vendredi 22 juin 2012

30 mars.

                Toujours au camp Agostini. C’est incroyable la différence d’ambiance par rapport à l’année dernière… On avait l’impression d’être dans la gueule d’un monstre, avec des remparts, des murailles, les rochers sombres, des nuées de neige volante et des cascades partout ; un arc-en-ciel de l’autre côté qui nous narguait….. Là, l’arc est du côté du Cerro Torre (qu’on n’a toujours pas vu). Cette nuit j’ai bien dormi… je ne sais plus trop de quoi j’ai rêvé. Toujours la musique de Summoning dans la tête, Strongold… assez lancinant. J’ai l’impression que dans mes rêves les notes résonnaient encore à mes oreilles, en continu.
                On a émergé (c’est un grand mot) à 6h30… puis 6h45… Et on s’est recouché. Jusqu’à 7h45. Le Cerro est toujours dans un gros nuage de brume. Hier soir en revanche (bien qu’on n’ait pas encore aperçu le sommet et son champignon dantesque déversant) il y avait beaucoup d’étoiles, malgré la lune. J’ai fait poser François sur un rocher en lui demandant de ne pas bouger pendant 30 secondes x fois de suite (il a du rester immobile 1/2h en tout, avec le vent qui tentait de le malmener et de le faire osciller quand même…). On était tous entrain d’essayer de faire des photos, aux lumières des étoiles se mêlaient les loupiotes rouges des appareils, et des luminances annexes incompréhensibles.



                Un homme est venu me demander si nous venions du Cerro Torre, je lui ai dit que non, on était juste allé au lac ; il m’a redemandé si on venait du Cerro Torre (non non, juste du lac). Mais vous étiez au Cerro Torre ? Mais non… Il voulait savoir pas mal de choses, surtout combien de temps il fallait marcher pour arriver à la base du Cerro Torre…. Il va peut être y aller là, sans crampons, sans rien, hop go ! Hmm…. ! Il nous a aussi dit qu’il y avait plein de rats (en effet, les mulots avaient déjà attaqué le pain les quelques secondes ou celui-ci est resté au sol) et demandé s’il pouvait rajouter son sac à notre guirlande entre deux arbres. (Finalement il ne l’a pas fait.) 

                 Ce matin j’ai fini par aller voir le lac… c’était impressionnant ; durant la nuit est arrivée une armée de glaçons agglutinés… on dirait presque le lagon glaciaire islandais du Jokulsarlon. Les bouts de glace se baladaient à toute vitesse. Il y a eu beaucoup de vent cette nuit… mais la tente a tenu bon, François nous a fait rempart avec sa petite tente (qui elle a failli prendre son envol). Le décrochement des icebergs reste un mystère, mais le vent a pu les pousser jusqu’à la rive. La base du Cerro Torre (on ne voit toujours pas le haut) s’est teintée de rouge, puis un arc-en-ciel a fait son entrée. Xavier est arrivé, pas les autres. On est resté un moment à essayer de composer avec cette multitude de glaçons (beaucoup trop nombreux) ; on n’y arrivait pas vraiment, mais c’était magnifique. 




                Mon cappuccino était franchement pas mal… contrairement à la consistance de la soupe de maïs d’hier soir … assez ‘glaireuse’ (comme dit Xavier) (mais je pense qu’on peut dire visqueuse, au fond). Je crois que nous allons aller à Poincenot ce soir (ou ailleurs). Ou peut être Rio Blanco, mais Poincenot semble une bonne idée. J’ai mangé un paquet de gâteaux qui devait me tenir deux jours … il restera un matin ou je ne mangerai pas… ou alors de la purée, tiens… ça risque d’être étrange, mais ça calera sans doutes mieux que les gâteaux.
                10h51… on décampe. Les mulots ont mangé les mulins. Et les chaussures de Xavier aussi ; c’est … inédit ! On a mis encore un moment à se préparer, mais cette fois tout le monde met son sac, et on y va !









                14h49. Comme dit Manue, ils sont pas normaux, les gens, ici. On a croisé un gars dans la forêt qui courait à moitié avec un walkman et une gourde bizarre… et là, en fait, il y a trois individus qui sont entrain de se baigner dans un lac en gesticulant et sautillant dans tous les sens. C’est vraiment bizarre ! Ce doit être un pari, je ne sais pas. La forêt est toujours aussi étrange, impressionnante, lugubre… et à la fois plus ensoleillée, moins effrayante que l’année dernière. Les buissons qui étaient jaune au sol ne le sont pas encore. Je vois toujours pas mal de branches qui ont des formes d’ossements de mains décharnées, blanchis. Je suis entrain de passer dans des buissons touffus, je m’accroche de partout. Hum. On a déjà mangé (toujours trop par rapport à ce que j’ai amené) et fait une sorte de sieste ou une grosse chenille en a profité pour me monter dessus. Je l’ai prise dans ma main ; c’était une chenille poilue. Les autres m’ont dit qu’il y a des chiens qui perdent des bouts de langue avec ça, qu’il ne fallait pas, … enfin bref, je ne sais pas si je vais perdre ma main dans quelques minutes (ou pas). Pour l’instant aucune réaction. Par contre à l’autre main une espère de mini morsure avec deux petits trous et un bleu sont apparus.





                On a replongé dans une forêt désaturée par le dessous avec une variété de teintes de buissons incroyables en bas. Je suis à nouveau entrain de traverser un bois aux troncs obscurs et aux feuilles multicolores pour aller me jeter dans la gueule de l’entité méconnue, furieuse et crachant sporadiquement. Du monstre dont le Fitz Roy n’est qu’une canine finalement. C’est quelque chose de bien plus énorme, qui encercle ces montagnes… vraiment une bête terrible. Le soleil est parti, et des rafales viennent à notre encontre. C’est un peu comme l’année dernière… le chaos. Sauf qu’on n’est pas encore trop mouillés. Je ne me souviens d’ailleurs pas du tout de cette partie du chemin, on était tellement épuisés… Mathieu a de nouveau mal au genou. Tout est vraiment fou. Les couleurs, des arbustes dont chaque feuille est dégradée du vert au rouge longent le sentier. Des baies aux couleurs pétantes ornent certains végétaux aux formes inhabituelles. Des troncs décimés disséminés partout.











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