mardi 5 juin 2012

18 mars.

            Réveillée à 4h. Puis 4h15. Je ne me sens pas très bien, je me suis levée. Terriblement soif.

            //Un grand hangar, des tas de marchandises sur les côtés. Un espace libre au centre. Un tente verte montée sur un sol de béton poli. Le chien m’accompagne. Il faut amener les sacs. Ils sont trop lourds. Le taxi n’arrive pas. Il commence à pleuvoir.//

            Le réveil. 5h50. Encore 10min. 6h. Niaargf. Je me sens encore moins bien qu’avant. Vraiment mal. Une idée m’a effleuré l’esprit plusieurs fois : mettre des pastilles dans l’eau du robinet que je bois. Normalement je ne suis pas tellement fragile avec ça mais là euh. Mmh. Bof. Et il faut que j’atteigne l’arrêt de bus avant 7h à l’autre bout de la ville. J’arrive même pas à me pencher pour ramasser mes affaires sans avoir la nausée. Je n’aurai jamais du boire hier ne serait-ce qu’un verre de vino tinto.

            6h35. Je pars seulement. En 10min, ça semble dur d’arriver.

            Je suis partie en courant. J’ai pas tenu, mauvaise gestion du poids du sac, j’ai 10kg en bandoulière parce que je n’ai pas bien rangé. C’est vraiment dur. Je vais jamais y arriver. Il fait nuit, les rues sont désertes, quelques étoiles scintillent dans le ciel obscur.
            J’en peux plus. Je me suis arrêtée deux fois, vu sur mon ombre que la tente était en déséquilibre, ça n’a pas loupé, elle est tombée. Deux taxis m’ont dépassée, j’ai fait de grands signes mais un n’a rien compris, et l’autre m’a dit qu’il fallait prendre un autre… Je serais presque prête à monter sur à chien. Hum. Ou à laisser tout là. Tant pis. Tout ce bazar.
            Je ne regarde plus l’heure. Encore deux croisements. Aller. Plus qu’un. Tourner ici. La tente glisse dans ma main gauche, côté droit la bandoulière vrillée me scie alternativement l’épaule et la paume. Bon la prochaine fois, je m’organise mieux. Le bus. Je cours n’importe comment. Un homme prend mon sac et chancèle. Moi je tiens à peine debout.
            Place 25. Je devais être contre la fenêtre mais il y a déjà quelqu’un. Un homme en bleu dont l’haleine ressasse des relents d’alcool assez violents. Moi qui suis déjà patraque … Je m’enroule autour de ma veste et de l’accoudoir et j’essaye de dormir. On est partis (7h05.) Deux minutes de plus et je le loupais, ce fichu bus.
            8h10. La douane chilienne. Il faut sortir, avec les passeports. J’emporte mon ‘’sac à mains’’. Je le laisse à l’entrée. Mon équilibre laisse à désirer, je ne sais pas comment j’ai fait pour trimballer 30kg.
            8h35, on est repartis. Traversée du No man’s land inconnu entre le Chili et l’Argentine. Je ne sais toujours pas si cette zone appartient à une nation quelconque.
            8h45, la douane argentine. Passeports, tampons. Toujours les affiches de recherche de personnes disparues depuis 2004, 2008, … Mon voisin de bus est assez sympa en fait. Il vient de Fribourg, à 1 heure de Strasbourg… C’est drôle de rencontrer des gens comme ça, au bout du monde. On parle un mélange indescriptible d’anglais espagnol avec quelques palabras de Deutsch. Mais on se fait comprendre, c’est l’essentiel. Un homme chevelu passe avec son oreiller autour du cou… à moins que ce ne soit une minerve multifonctions. …



            9h10. On repart. Le ciel est fou. Mon ventre un peu aussi, il laisse échapper des plaintes étranges. [♪♫♪ Je veux vivre caque seconde ; comme si demain était la fin du monde ♫ … ] On traverse des étendues de rivières asséchées, d’herbe ocre, de temps en temps de la tourbe verte et orange. Le long de la route / piste (alternance), des poteaux électriques sans fil. (Nouvelle génération, probablement.) C’est vraiment spécial. Je délire un peu, m’émerveille devant les touffes vertes en me disant que je suis un curieux mélange de banale normalité et de folie pure. Les vitres se sont couvertes de buée, on ne voit plus rien, c’est un peu frustrant.
            9h27 ; j’ai FAIM. J’enregistre des phrases qui me passent par la tête. ‘La vie est une suite de hasards qui n’en sont peut être pas.’
            10h32, on s’arrête. J’ai un peu dormi, avec la musique … et l’appareil et sacoche sur les genoux.
            10h49. On repart, après cette pause dans un village au milieu du néant.  Le  bus passe un panneau ‘’El Calafate’’ mais … on va dans le mauvais sens. ( ?) Des montagnes sont apparues au loin.
            Premier Nandou. 10h53. Toujours pas de lamas.
            Je crois qu’on est entré en collision avec un oiseau. On longe des buissons touffesques dans toutes les tonalités de brun depuis un bon moment. Il y en a même des noirs et des gris. Les gris me font penser à des hérissons. Il y a aussi des poteaux électriques un peu plus évolués que les précédents (mais toujours pas de fils). 11h31
            11h44. Une croix blanche. Et une sorte de pont (qui ne sert à rien, il n’y a pas de route) qui enjambe une rivière sèche d’un pas incertain. Un sommet solitaire est apparu au loin. Très loin. A l’horizon. Il s’étire vers le ciel. Une sorte de lumière clignote au dessus parfois, je ne sais pas ce que c’est… un extraterrestre ; ou un avion, peut être. J’écoute Into the Wild. La bande son.  [♪ Society, you’re a crazy breed ; I hope you’re not lonely without me… ♪♫]  Les montagnes tarées sont là, au fond. C’est incroyable, il me semble que l’on voit le Fitz Roy! Et le Cerro Torre, et tout. Evidemment le bus a pris un virage, et les cathédrales de pierre se sont retrouvées à la fenêtre de ceux qui dorment, de l’autre côté.



             Midi. Mirador ‘’El Monito’’. 5min de pause para hacer fotos ! C’est bien le Fitz Roy. Encore plus impressionnant que la vue : j’ai tellement faim que j’ai rêvé d’un délicieux plat de pâtes natures. Sous le mirador, un désert de collines beiges parsemées de buissons noirs, des fleuves miniatures entourés de mousse verte ; le lac bleu à gauche. Et bien sur la chaine des monstres de pierre et de glace. Une photo nulle vite fait au 300 pour dire que je les ai vu !...




            12h42. El Calafate. Retour dans la gare de bus. Je refais mon sac. Il faut absolument que je mange une salade. Ou des pâtes … et que j’achète une bouteille de gaz. Ou de la semoule, ou de la polenta. Je vais essayer d’aller manger, tant que je tiens debout !

            Je suis allée dans le ‘librairie-bar’ où on n’a pas osé essayer d’entrer la dernière fois. La 1ère chose que l’on m’a dite, c’est que j’avais une maison dans mon sac. C’est pas faux. J’ai commandé un ‘’homme végétal’’ ( !), sandwich végé. Avec de la SALADE, du sojà, … C’était assez bon. J’avais voulu me cuire des pâtes mais les boutiques étaient fermées, donc pas de gaz. J’ai bouquiné un peu (des livres d’image en espagnol et anglais) (c’est pas une librairie-bar pour rien). 44$ (ça change) (pesos argentins cette fois > 44$ = 8€ environ).




 
            J’ai trouvé ma carte d’El Chalten et ma bouteille de gaz ; … et les quatre personnes avec qui j’ai mangé hier (pas ensembles, mais deux par deux). Ca recommence. L’année dernière, on arrêtait pas de recroiser des gens ! En cherchant de l’argent, j’ai rerecroisé la fille qui travaille dans un camping et sa mère qui habite à Buenos Aires (toujours les mêmes !). Peut être qu’elles vont se téléporter au Lago de los Tres y au Circo de los Altares… Mmh !
            Pas encore vu de mulot. Il faut croire que ça me manquait, parce que j’ai commencé à tremper mes affaires toute seule en laissant une bouteille entrouverte dans un des sacs. Pas trop de dégats, ça va .. mais c’est malin.


            Le bus de 18h est à 18h30, et j’ai failli ne pas pouvoir entrer dedans (!). Il fallait que je change ma réservation contre un vrai billet … je pensais que mon bout de papier était directement valable moi ! Enfin bon, j’suis dedans, le moteur tourne… C’est parti ! Vamos ! 18h32, je suis tout devant. J’ai mis une sorte de ceinture pour ne pas passer à travers le pare-brise au premier freinage. Les dos d’âne sont féroces ici. Ils doivent tenir des passages piétons pour dahu. A vélo, il faudrait les sauter comme des trottoirs je pense. Presque aucun nuage, peu de vent ( ?!).

            19h17. Traversé d’un fleuve bleu. Quelques minutes avant, on avait passé un autre pont (foireux) avec un revêtement en décomposition. On roule vers le soleil, mais je crois qu’on ne le rattrapera pas. Cerro Chalten (Fitz Roy) en ligne de mire. La tête du géant domine tout. Pas un nuage. Le bus est pris de frissons. Il a peut être froid. Ou peur.

            19h31 : premier lama. Il court. Ca mérite d’être noté. … On passe devant des empilements de montagnes burinées modelées par de l’eau. Striées de variantes de brun-beige-ocre. C’est assez impressionnant. Peut être le château de sable d’un titan, dans une ère ancienne ou la mer recouvrait le désert…




            19h35 : El Chalten 135km.

            19h52.. Ah ! On est à l’arrêt dans une oasis perdue. Je crois qu’on y avait acheté des sandwichs une fois. Il y a des transats en bois devant une maison (hôtel Leona) en planches et tôle blanche (environ) et rouge, un thermomètre… (Ah euh .. ! je vais voir !) 10°C. Je suis toujours habillée pareil, avec ou sans veste… moins de pulls que chez moi. Paris 13 740km. Juste à côté de nous, le Lago Viedma ; il y a aussi une paire de roues de charrette qui traine, et un moulin à vent qui tourne aussi vite qu’une hélice d’hélicoptère. Le bus fait tellement de bruit que même au volume 25 je n’entends quasiment rien sur le mp3. J’essaye des musiques que je ne connais pas, mais rien de correspond à mon état d’esprit. Que je n’arrive d’ailleurs pas à définir. Peut être encore Into the wild qui va le mieux…

 
            Gnaaarg ! La forteresse du Démon des Montagnes ! 20h13 : Wow. On est fou de vouloir défier ça. Sur la banquette à gauche, il y a une fille qui se colore les ongles. C’est tellement … décalé…
            20h15. El Chalten 106km. La fille en face dors en faisant sécher ses ongles. Et moi j’essaye de prendre des photos à travers sa vitre, depuis ma place. La moitié du bus dort. Inconscients. 


            20h23. On tourne à gauche. 94km. J’ai essayé de voir à quelle vitesse on roule mais le compteur est foutu. Ces monts obscurs qui se détachent sur le ciel clair sont extrêmement esthétiques ; et intimidants. Hmm vu le bruit que fait le bus, il est probable qu’il se transforme en fusée et décolle. 

            Il est 20h36. Le jour s’éteint. Deux fois j’ai eu l’impression que quelque chose me touchait le bras. Sans doute le voisin de derrière qui trafique des choses avec son rideau. Le ciel pleure le soleil. Dégradé du jaune orange au bleu. Deux étoiles.

            20h49. Alignement parfait étoile du Berger – Fitz Roy. Plus de lumière. (Du tout.)


            Bon. Optimisation. Le bus s’est arrêté à 21h20 (rapide !), j’ai retrouvé le Condor de los Andes, mais l’auberge est pleine pour cette nuit. J’ai réservé pour tout le monde samedi, et pour moi vendredi ; et j’ai du tout payer : 420$. Hm. La dame à l’accueil (sympa, même si ce n’est pas la même que l’an passé) m’a indiqué les autres hostals-auberges-campings de la vile. J’ai pris le plus près, une auberge au nom curieux. On m’a conduit à travers un couloir qui tient du labyrinthe jusqu’à une chambre de 4 personnes, il y en a trois autres qui vont arriver. Ce n’est pas aussi propre que le Condor , il y a deux mouches et une punaise qui se promènent. J’ai passé un moment à trouver comment tirer la chasse d’eau déglinguée et à repérer toutes le prises… une batterie charge dans la salle de bain, l’ordinateur trône sur le lit avec un transfert de carte à disque dur en cours, et le chargement du portable en usb. Reste le mp3, la deuxième batterie, et une seconde carte, partiellement. Mais la 3ème prise est foutue, et je n’ai pas tellement plus de chargeurs, en fait. Utopiquement, il faudrait pouvoir libérer ce bordel si les autres le demandent en arrivant. Utopiquement, hein.
            J’ai essayé de me connecter à internet sur un réseau non sécurisé, mais ça ne marche pas. Mieux, maintenant même sur le sécurisé de l’auberge avec le mot de passe ça ne marche plus… C’est embêtant, je dois répondre à un mail du CAF (club alpin français) et en envoyer un aux autres. Aucun réseau sur le téléphone depuis le départ de Calafate.
            Deux autres sont arrivés (et repartis). Deux italiens, une Sarah et l’autre je ne sais plus, faudra que je lui redemande. Sarah a une bonne bronchite. Elle risque de mal dormir. (Nous aussi, du coup.)
            Ma tête touche le sommier du dessus quand je suis assise. Je viens de remarquer qu’il y manque une planche et demi, j’espère que la dernière personne n’est pas trop lourde, sinon ça va peut être tout s’effondrer. Mmh. Une planche et demi dans le sens de la longueur. Sur un total de 6. Peut être 5. Il est plus de 22h30, je vais essayer de me cuire des vermicelles.


            J’ai foiré mes nouilles ! Il faut le faire ! Ça a fait une sorte de purée gluante ; mais avec sel et sauce arabiata sucrée, ça … euh … C’était comestible. Je me demande un peu ce que je ferai sans la sauce … enfin non aller, je suis sure que je trouverai ça succulent, quand j’aurai plus rien d’autre. Mmh. D’ailleurs j’en garde pour demain matin. Miam.
            Pas moyen de se connecter au net. Il y a d’autres français, dont un qui va remonter jusqu’à Uyuni en bus. (Nettoyer un capteur avec un chiffon à lunettes, ça, c’est fait ! Lui qui s’étonnait d’avoir une grosse tache sur toutes ses photos est content, au moins.) Il m’a dit que ça fonctionnait (lentement) dans l’entrée. Mais non, j’ai désactivé le ‘’Bluetooth’’ sur l’ordinateur, et je ne peux plus le remettre, ni ça ni rien d’autre. Moui. Pratique.

            Même ici il y a des télés pour observer des gens se faire tuer. Gné. Une jeune femme agonise dans les bras de son fiancé… le temps que je fasse la vaisselle et que je revienne ; … elle a ressuscité ! Ehé !
            Bon, connexion vite fait sur l’ordinateur de l’accueil, il est presque 1h, je vais dormir.

            J’en suis là :
•avant-hier : Punta Arenas > Puerto Natales (3)
•hier Puerto Natales (4)
•aujourd’hui Puerto Natales > El Calafate (5) et El Calafate > El Chalten (5’)



3 commentaires:

Romain a dit…

Encore merci pour le nettoyage avec le chiffon à lunettes, dommage que de vilains chiliens m'aient volé mon appareil... et j'ai tenu parole, je suis bien allé jusqu'a Uyuni en bus :) Sinon trop belles toutes ces photos !!!Romain

Ambre de l'AlPe a dit…

Heeeeey!
Mince alors pour l'appareil.... Alors ce périple, c'était bien?

Romain a dit…

Du tonnerre !!! Après El Chalten, qui reste mon meilleur souvenir avec Uyuni, j'ai continué à remonter la Patagonie (Esquel / El Bolsón / Bariloche) jusqu'à repasser au Chili à Pucón... ensuite Santiago et Valparaíso (où le méfait a eu lieu), retour en Argentine à Mendoza (superbe aussi l'Aconcagua) puis le parc Talampaya et Salta, avant de traverser la magnifique Quebrada de Humahuaca... une fois en Bolivie, je suis remonté jusqu'à Uyuni (incroyable le Salar et le Sud Lipez je vous le recommande !) et même Potosi et Sucre avant de redescendre en Argentine pour faire la boucle Salta - Cachi - Cafayate et de filer sur Iguazu... ensuite je me suis fini avec qqs grandes villes Cordoba, Santa Fe, Rosario... et enfin Buenos Aires où je suis de retour depuis une dizaine de jours ! Je n'ai pas fait du jour à jour mais si tu veux savoir + c'est ici que ca se passe :) http://pourunpetitromainmartinpalermo.wordpress.com/