vendredi 8 juin 2012

21 mars. (considérant que c’est logiquement hier +1)

            J’ai mangé. Maintenant je peux écrire.
            Le réveil a bien sonné à 4h, et 4h15. Comme je m’en doutais un peu, je n’ai pas osé sortir. Il faisait froid. Je me suis pelotonnée dans mon sac, j’ai frotté mes jambes pour les réchauffer.

//J’étais en voiture avec un homme. A l’arrière, Yannick, qui riait avec moi. Mon l’homme nous lançait des regards noirs dans le rétroviseur. Il voulait me marier à je ne sais qui. Je n’avais pas le droit d’avoir d’autres amis masculins.
On est arrivé à une auberge, dans la neige. On était là pour faire du ski. Je devais les guider dans la neige. On a entamé la traversé d’une grande étendue blanche et vallonnée. On a pris un télésiège. L’homme a demandé si ma mère savait qu’il y avait un ami avec moi. Je lui ai répondu que oui. Ça l’a énervé. //

            Le camp commençait à s’éveiller, de plus en plus de voix ; des faisceaux de frontales. J’aurais du sortir avant. Il est 6h15. Je jette un œil par l’ouverture de l’abside : un ciel criblé d’étoiles, au dessus de branches sombres. Il faudrait que je me lève. Hop. Go. Encore… 5 min …

            //Je suis devant un supermarché avec un oncle et une tante. Je suis revenue à la voiture avant eux. J’ai envie d’essayer de conduire. Je fais tourner la clé, le ronronnement du moteur surgit. C’est le crépuscule. J’appuie sur une pédale. La voiture fait un bond en arrière et vient toucher le véhicule de derrière. Mes oncle et tante arrivent à ce moment là.
            Ils me disent que je dois payer la réparation. Je ne comprends pas, je n’ai rien cassé, le choc n’a pas été violent. Je vais voir à l’arrière ; une des lumières a sa vitre brisée. Je leur dit que je vais réparer dès que je pourrais. Je dois aller acheter la pièce de suite. Je ne peux pas, je n’ai pas d’argent. Il faut que j’aille travailler pour en gagner.
            On part sur une route de terre pleine d’ornières, le long d’une forêt obscure. Les phares n’éclairent rien. A un tournant, ils me déposent dans un champ. Je dois travailler pour rembourser. Le ciel d’encre se reflète dans une partie inondée. Le sol s’enfonce sous mes pas. C’est vaseux. Des plans de maïs rouge sombre se dressent dans un sol boueux. Je repère les endroits récupérables. Le vent fait frissonner les plantes. J’aperçois quelque chose bouger dans l’obscurité. Je retourne à la route.
            Je marche un moment sur le chemin de terre, trempant mes pieds dans les nids de poule. La nuit m’enveloppe. Une clarté abstraite me permet encore de me repérer. La lune. Ou peut être les étoiles. Un autre champ. C’est le même. Les mêmes flaques, les épis pourpres ; les mouvements au loin…
            Je suis dans une maison au bord du champ. J’entends des bruits étranges. Je regarde par la fenêtre derrière l’évier. Il y a une lumière dans le ciel. Ce sont des choses qui sont tombées d’un avion. Un pot de petits pois-carottes traverse le toit au dessus de ma tête. Je le rattrape avant qu’il ne me tombe dessus. Un sifflement curieux se fait entendre. Je regarde dehors. C’est une cocotte minute. Qui tombe aussi. Je dis à quelqu’un que j’espère qu’elle ne va pas me tomber sur la tête, celle là. Elle répand un petit nuage de fumée en chutant. Elle traverse le toit, faisant un deuxième trou, et atterrit sur une étagère au dessus du poêle, juste à côté de la porte d’entrée.
Il faut que j’y aille. Je saisi la cocotte, regarde ce qu’il y a dedans, et cours jusqu’à la maison de mes grands parents où ils n’ont pas assez à manger je crois. Je grimpe les escaliers, trébuche (c’est toujours la nuit). Et entre en titubant dans la cuisine où je demande qui veut des carottes. ‘’C’est des carottes vapeur ? –Voui –Alors pourquoi pas …’’ Et je sors les carottes de la cocotte. //

            Mmh. Je me suis rendormie. Le réveil re-sonne. 7h. Il faut y aller. ( !)

            //Yannick et l’homme de la première voiture mangent des carottes vapeur en discutant.//


           
7h30. Gnéééééé ! Je bondis du sac, avale un gobelet de thé chaud (thermos) en enfilant pantalon et baskets ; et m’enfuie en courant avec la doudoune, la sacoche photo et le trépied à la main. C’est dur comme réveil. Je ne tiens pas le rythme. Les nuages rosissent déjà.

 


            Le campo Rio, le panneau qui indique que le sentier est dangereux, le 2ème panneau pour dire que c’est le chemin le plus détérioré de la zone, le petit pont, les arbustes. J’ai vraiment ralenti. Un lenticulaire – vaisseau outre espace se colore en rose dans le ciel sombre. C’est beaucoup trop tard. Je traine, malgré l’absence de sac. Une succession d’escaliers de roc. J’ai soif. Je m’arrête boire quelques gorgées à un dégoulinement qui clapote à droite. L’eau a un gout de mousse. Non que je mange de la mousse si souvent, mais bon.


            Le sommet du Fitz Roy s’est éclairé en rose, puis a disparu derrière la ‘’montagne’’ que j’essaye de gravir. Encore une multitude de tournants, d’escaliers, de buissons. Quelle idiote. C‘est trop tard. Et dire que quand il y a du monde je suis souvent la première prête à décoller. Et là je suis restée dormir, à faire des rêves absurdes, alors que je suis en PATGONIE, qu’il n’y a presque pas de vent et qu’il fait BEAU. Bon sang. J’ai honte.
            Je commence à avoir faim. Je traine. Je me demande presque pourquoi je monte. Un peu mal au ventre aussi. Quitte à avoir une bonne partie de la pharmacie de groupe je vais peut être quand même m’en servir. Des pierres un peu instables. Le soleil me rattrape. Il me salue en passant. Les buissons colorés sont superbes. 


            J’arrive au lac à 8h50. Plus de reflet, plus de lever de soleil. Bravo. Hm. Bon, c’est tout de même magnifique (je m’en veux juste d’avoir loupé une occasion peut être unique). Le soleil fait ressortir les reliefs des falaises verticales ; succession impressionnante de pics pointus, acérés. L’eau mouvante du lac qui prend les mêmes couleurs que la roche (gris-ocre-rouge). Les glaciers, tout près. Percés de crevasses, bouches béantes de la montagne. Des séracs gigantesques sur la gauche, plus haut ; qui craquent et dévalent parfois un mur de pierre dans un fracas de Tonnerre. Les Cerro Madsen, Techado Negro et Loma de las Pizarras ; gargouilles sombres gardiennes de la forteresse plus claire, pure. … J’essaie deux – trois images au bord de l’eau.
J’ai vraiment FAIM. Une sensation de faiblesse m’envahit un peu. Je repère des emplacements de bivouac (avec un mur de caillasse autour, parfait) et j’entame la descente. En courant un peu, d’abord. Puis en marchant.

 
            Je n’ai plus la force de m’énerver contre moi-même. Tant mieux, dans un sens. J’essaye d’accélérer, de temps en temps, alors que j’entends des pas qui me rattrapent. Je n’ai pas l’habitude du trépied sur l’épaule (avec le précédant, l’appareil tombait). Je n’arrête pas de le changer de bras.
            Au milieu de la descente, je réalise que j’ai dans ma sacoche un de ces sachets de sucre qu’ils donnent dans les avions pour le thé. Je laisse fondre les cristaux dans ma bouche … mmm. Excellent. (Meilleur dessert de la semaine ! Ah non il y a les pastilles de dentifrice, aussi). Ca me permet de faire le reste de la descente en courant, sans m’affaler dans les gravillons en glissant avec les baskets. Je traverse les forêts tarées et revient à la tente. Les sensations de faim et faiblesse sont environ passées, mais mes jambes tremblent un peu, je ne vais pas trop jouer avec ça. J’ai donc cherché de l’eau, fait mon lait (à partir d’eau et non de thé, ça marche mieux) et mangé mes chocapics.
            J’ai aussi parlé avec des français sympathiques après avoir mis 15min à me décider à oser leur demander s’ils avaient une idée de la météo (pourtant pas d’une difficulté extrême ( !)). On a discuté un peu, en rangeant leur camp. Ils doivent prendre un bus à 3h du matin… Quelle joie ! Mmh. Ils n’ont pas eu de visite de mulots (c’est bien) (mes sacs suspendus non plus) et sont impressionnés de ma capacité louche à transporter 30kg de bazar. C’est flatteur. Ça n’en reste pas moins dur.



            Les américains (je pense) ont joué à la balle, se sont entrainé à siffler, ont mis de la musique puis sont partis. Une des trois filles aussi. La première n’est pas seule en fait, c’est pour ça qu’il y en a trois. Les autres sont d’ailleurs entrain de décamper aussi. Un autre français est venu me demander si j’y connaissais quelque chose au Cerro Electrico. Pas vraiment malheureusement. J’ai juste pu lui montrer la carte, qu’il a prise en photo. Il est parti aussi.
            Je suis dans la tente. J’avais un peu froid. Au fait, j’ai compris pourquoi je n’avais pas chaud cette nuit, il a gelé. Je commençais à me demander à quel point j’étais devenue frileuse !
 

              Il y a deux de ces oiseaux étranges dont j’ai demandé le nom à Yannick avant de partir. (Ce doit être pour ça que j'ai rêvé de lui ... c'est là aussi que je les avait aperçu l'an passé.) Cou beige, pattes jaunes, ailes sombres, casquette noire, bec rouge et gris. Des Caracaras je crois. Des  nuages sont arrivés, avec le vent. Je ne sais pas encore ce que je fais. Pour l’instant je suis bien ici. Dans la cabane ce serait sans doute encore mieux. On verra.

 
            J’essaye de me faire un pseudo-programme que je ne respecterais probablement pas :
> aujourd’hui : montée au lago de Los Tres (encore) et y bivouaquer ; s’il pleut, se rapatrier à la cabane
>demain : aller voir du côté de Piedras Blancas, le glacier bleu aux séracs impressionnants…
>vendredi : retour sur Chalten (après montée au lac ? ou à l’autre lac ? ou pas ?), lessive, resto ? , dodo dans un Lit.
>samedi : montée vite fait à la cascade (3h de marche ;  ahahahaaa) pour le lever de soleil ? Hm. + retrouver les autres à je ne sais quelle heure à la gare de bus + peut être faire des courses … !
            Tout cela ne fonctionne bien évidemment que si mon énergie refait surface (ça doit pouvoir se faire, avec cette forêt géniale et cette montagne incroyable là devant !) et si la météo n’est pas trop mauvaise… et bien sur, et SURTOUT si on est bien mercredi.

 

            Je suis moyennement convaincue par mon état ; froid, le ventre qui fait des siennes… Mmh. Je vais me coucher un peu. Si à 17h30 ça ne va pas mieux, je dormirai probablement ici. Pour le coup ça m’énerve un peu qu’il fasse beau…

            Il est 18h. Je n’ai pas vraiment bougé. J’ai traversé des phases pires et mieux, un peu dormi, en écoutant les campeurs arriver, bouger des cailloux et casser du bois. Avalé un paquet de nouilles chinoises aussi, au cas où ce serait la nourriture le problème. Là, ça pourrait être pire (et mieux), j’ai moins froid, juste les mains gelées. J’hésite à aller dormir ailleurs, éventuellement à la cabane (une poussée d’adrénaline me ferait peut être du bien) ; mais le ciel est devenu blanc, je ne sais trop à quoi m’attendre…

            Je teste la pharmacie (gné). Après je vais à la cabane, juste marcher un peu. Ça m’énerve pas mal de ne rien faire, mais s’il faut ça pour être en forme ensuite… (…)




 
             J’en ai marre de ce mal de ventre ! (et de tout ce qui en découle) La cabane m’a plus intimidée, cette fois ; par son isolement apparent ; l’obscurité de la forêt qui l’entoure, ce silence, presque oppressant. J’ai été angoissée à l’idée de l’ouvrir. Comme si ça allait déranger quelqu’un, ou quelque chose. Comme si l’idée que j’aurai pu être là, devant cette porte, à hésiter pour y dormir avec mon sac de couchage, mon isolant et les mulots m’effrayait. C’est peut être le cas. J’ai déverrouillé le loquet de bois mais je ne suis pas entrée. Par respect pour l’âme du lieu, je n’en sais rien …

            J’ai du m’arrêter deux ou trois fois, rien que sur ce trajet. Je comprends mieux ma lenteur de ce matin. Il y a de nouveaux français au camp. Intéressant, eux aussi auraient aimé être plus isolés de cette foule de touristes multilingue. Ils sont en Amérique du Sud depuis 5 mois et demi, et pour 2 mois et demi encore. C’est bien. L’aventure… Ils sont déjà passés en Equateur, Bolivie, Argentine (j’en ai oublié) et remontent par le Chili. Ils vont travailler un peu à Bariloche avant de retourner au Nord. Ils m’ont dit le nom d’un parc à visiter, mais j’ai déjà oublié… J’aimerai faire ça avec un compagnon, plus tard. … Tout laisser pour quelque temps, partir, changer d’air, totalement ; trouver du travail sur place en cas de besoin, … mmh.
            Mon thé est chaud. Ça change des nouilles, mais bon. Cassis – Yogi tea classic. Avec un peu de sucre en prime, ça ne peut qu’être bon. Surtout avec le temps que j’ai passé à être sure que l’eau ait bien bouillit.

              C’était très bon. Un repas, comment dire, un peu … liquide. Hum. Mais je crois que pour ce soir, c’est mieux. Je laisse le réveil à 4h,  ou 3h30, pour regarder. Et je vais me coucher. Toujours ces fracas lointains de chaos de blocs de glace s’écrasant après une chute de plusieurs centaines de mètres. Sans les frontales, il ferait presque nuit noire. Aucune étoile. 

            Le vent a presque attendu que je sois couchée pour se lever. La forêt à tenté de le retenir dans ses branches les plus hautes. Elle y a mis toute sa force. J’entends les arbres craquer et gémir. Pour l’instant elle y arrive. Le tumulte de la bataille me parvient, mais pas son souffle.




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