mercredi 30 mai 2012

Patagonie, Journal de bord .... 

Me voilà repartie pour la Patagonie... après l'expérience de l'année dernière, il est évident que 2 semaines, c'est trop court.Cette fois, c'est donc parti pour 5 semaines! Une semaine 'seule', puis trois en compagnie d'Alexandre, Xavier, Mathieu, Manue... et François, un -aspirant bientôt- guide qui nous accompagnera les 10 premiers jours en 'groupe', où nous tenterons le tour du Fitz Roy... Une expédition glacière bien ambitieuse en automne.... (oui oui parce que là bas, avril, c'est l'automne...!). Un mois à découvrir, redécouvrir ou approfondir l'exploration de ces terres australes aux montagnes folles... et à éviter, refaire ou inventer de nouvelles erreurs!
 


 Résumé Comprimé du programme initial :

14 - 15 mars 2012 :  vols Strasbourg - Punta Arenas (1, 2, 2')

16 - 23 mars :  trajet jusqu'à El Chalten et treks ''seule'' devant le Fitz Roy

24 mars : arrivée des autres à El Chalten !

25 mars - 1er avril :  Tour du Fitz Roy

1er - 6 avril :  treks devant le Fitz Roy, à la recherche de points de vue ...

6 - 12 avril :  trajet jusqu'au parc des Torres del Paine et balades diverses, éventuel début du trek en W

12 - 16 avril :  partie ou fin du trek en W
17 - 19 avril : retour à Punta Arenas et vols jusqu'à Strasbourg (36, 36', 37)
    


PRENOMS ET PERSONNAGES DIVERS QUE VOUS CROISEREZ AU FIL DES LIGNES ...
 










 

14 mars.


            Je suis dans l’avion ! Évidemment, j’ai eu la trouille au décollage… enfin en fait, surtout avant le décollage, je ne comprends pas trop. Il y a une mer de nuages fantasmagorique en dessous. … On vient de nous servir un ensemble de mets curieux, dont des gâteaux que je n’ai pas réussi à placer dans une catégorie parmi les deux bien connues :  ‘salé’ ou ‘sucré’. Ce que je sais, c’est qu’il y avait des grains de sucre dessus. Ce que je sais aussi, c’est que je n’ai plus peur. C’est vraiment étrange. J’ai l’impression que je devrais avoir peur, et que je serais plus rassurée d’avoir peur… mais je n’ai pas peur. C’en est presque effrayant. Ça fait une semaine que je ne dors pas assez, mais il y a une sorte d’énergie qui s’insinue en moi, déjà … peut être avant que tout s’écroule quand j’ arriverai et que je devrai porter mon sac de 22kg et mon bagage à mains qui en fait 7,5. Presque 30kg au total, avec la gourde vide et sans bouteille de gaz ….. !



 
            Les mots suivants de ce carnet ne sont pas bien positifs. Je suis dans l’aéroport de Madrid.
            J’écoute du Black Métal à m’en démonter les oreilles… ce n’est pas la meilleure des idées il me semble. Je vais peut être passer à un truc plus calme… ! Ca s’inscrira moins dans un processus de descente vers les tréfonds des ténèbres. Il y a une dame qui vient de se lever d’une rangée de sièges à ma gauche. D’elle ou de sa valise, je me demande laquelle empêche l’autre de tomber. Il y a aussi une personne dont j’étais persuadée qu’elle était enceinte ; mais je viens de remarquer que c’est un homme … alors mmh … je ne crois pas.
            Bon, je suis dans cet état louche parce qu’Husig vient de m’annoncer que je me suis fait ‘arnaquer’ pour mon D90, que je viens de vendre. Enfin de vendre… de donner, du coup. C’est vrai que c’était censé être un ‘’cadeau d’anniversaire’’, selon les mails de la personne à qui je l’ai expédié.
            Je me vois encore dans la cuisine entrain de lustrer l’appareil, avec ma mère qui me taquine :
‘’Attention, tu vas faire un trou !
-Mais non… et il faut qu’il soit beau, c’est pour un anniversaire…’’
            J’avais envie d’y croire, et que mon appareil fasse le bonheur de quelqu’un… Le mieux, c’est que je le savais ; que j’y ai pensé, que si ça s’avérait être faux j’allais me sentir nulle ; cet étrange sentiment de culpabilité de me faire du mal à moi-même et cette pitié curieuse. Hm.



            [Tarja. Sing for me.] C’est une chanson que j’adore en ce moment. Si je n’étais pas dans un terminal d’aéroport, je chanterais. J’espère qu’elle va m’aider à me sortir de cet enlisement de culpabilité inutile ; et que ce n’est pas l’inverse qui va se produire (associer le sentiment et le souvenir à la musique, et que ça revienne à chaque fois que je l’entends).

            Il est 22h54. C’avait bien commencé pourtant… J’avais vaincu (pas bien longtemps mais tout de même) ma peur illogique de l’avion en venant ici. Le coucher de soleil avait été magique et interminable. Depuis le départ et jusqu’à l’arrivée (incroyable). Les Vosges se faisaient dévorer par un voile de brume affamée, seules les cimes et crêtes dépassaient ; quelques fois ourlées de neige, encore. Le brouillard prenait une teinte orangée alors que le soleil s’y noyait (‘’Dans son sang qui se fige’’… (Baudelaire)). Le soleil ne voulait pas mourir. Pas même pour une nuit.


            Il a longuement lutté, essayé de sortir sa bonne grosse tête, comme la dessinent les enfants. Il s’est débattu, créant une folie d’écharpes nuageuses sanglantes à la dérive dans les cieux glacés.            L’avion a basculé, pour tourner vers les Alpes. [Summoning]. J’ai vu de loin mon Roi des montagnes. Le Mont Blanc, le vigil, plus haut que tous les autres, et qui voit tout venir. La sentinelle de glace flamboyante. Entouré de sa cour, il a regardé l’astre solaire se battre, en vain ; il l’a observé sans siller, jusqu’au bout, jusqu’à sa dernière lueur. Alors que tous les autres seigneurs des neiges éternelles s’étaient fondus dans la masse grandissante de Monts Ténébreux. Dans le ciel s’est formé un dégradé improbable du bleu au blanc au bleu marine. C’était la fin. J’ai fermé les yeux, en hommage à l’astre disparu pour une nuit encore, et qui aurait la force de se relever, demain.


            Mais il n’était pas encore mort. Soudain, la couche supérieure des nuages s’est retrouvée emplie de taches enflammées. Le ciel s’est déchiré. Le Froid d’une part, la chaleur de l’autre. L’ultime combat, le dernier souffle.
            Bientôt, d’autres monts se sont dessinés. Ils n’avaient pas la prétention de narguer le Soleil, ils l’attendaient déjà patiemment pour le lendemain. Les cirques de falaises encore blanches se découpaient nettement.
            Puis l’obscurité. Alors qu’une vague lumière persistait, à l’Ouest. Des petits tas lumineux se succédaient, en bas.


            J’ai du embarquer. Ca m’a coupée, un peu. D’un côté je ne sais pas trop ce que j’écrivais, avec la musique, les notes que j’entendais, et tout ce bordel. Je suis sur un siège rose avec un oreiller bleu ; et une sorte d’écran avec une image de lama devant moi… hmm. (Le lama s’est métamorphosé en orchidée mauve.)


            Avant, donc. Les petits tas lumineux se sont rapprochés, ont enflé. L’avion a fait une succession de virages, je me suis retrouvée face aux deux éléments les plus lumineux du ciel : Jupiter et Vénus. La géante gazeuse et l’étoile du berger.
            Les tas se sont transformés en une masse tentaculaire et informe, avec des cellules dont la luminescence était plus intense encore. On a atterrit sans problème, je n’ai pas eu de crise cardiaque, ni rien.

            Je viens de m’apercevoir que j’ai une énorme aile avec deux réacteurs à ma droite. Et un monsieur avec un 5D mark II vient de s’installer à ma gauche… je vais laisser ce carnet tranquille… il est 23h35.