mardi 19 juin 2012

26 mars.


Comme d’habitude on entend le torrent. Beaucoup même.
//J’ai rêvé que j’étais dans une sorte de salle de réception, énorme. Superbement décorée. Ce devait être pour un anniversaire. Moi je devais rester assister à je ne sais quoi. Et ça recommençait tout le temps. Apparemment c’était moi qui avais loué cette salle, sauf que c’était offert, il ne fallait rien payer. Mais on m’a dit qu’en fait, une fois cette offre acceptée, on était abonné pour trois ans, tous les soirs je m’engageais à  louer la salle en payant.
Je voulais aller me désabonner, parce que ça ne m’arrangeait clairement pas tellement. Mais je devais partir. Je suis quand même allée attendre devant une sorte de bureau. C’était l’aube. Le soleil n’état pas encore levé, je devais donc attendre un long moment. Je suis allée sur le balcon, … il y avait des passants en contrebas, qui chantaient faux un refrain que je connaissais. Je me suis mise à chanter la partie suivante. Tous m’ont regardée ; j’étais toujours sur le balcon, mais tout à coup il n’y avait plus de rambarde. C’était juste une sorte de petite plateforme au milieu du bâtiment qui était tout de même assez haut ; au centre ville.
Un ciel gris, pas encore vraiment de lumière. Je suis entrée pour essayer d’enlever cet abonnement de salle que je devais payer particulièrement cher. Mais je ne trouvais plus le bureau. Je me suis retrouvée dans une sorte de compagnie aérienne, vu que je devais partir … il y avait un endroit dans mon voyage ou il y avait une traversée énorme. Comme je n’avais pas beaucoup d’argent et qu’il fallait attendre deux jours pour prendre l’avion, on m’a proposé de faire une partie en tyrolienne …à condition que je sois capable de rester sur une tyrolienne pendant trois jours et trois nuits. (C’est dire que c’était plus long, si on ne prenait pas l’avion …. !). Je me suis dit que je n’allais pas forcément y arriver, et que j’allais quand même attendre l’avion. Le gars de l’agence n’arrêtait pas de me proposer d’autres choses… c’était assez bizarre. Je devais aussi faire une conférence dans la salle des fêtes que je devais louer, et qui était derrière le bureau de la compagnie aérienne. Mais je ne savais pas sur quoi.//
       Je n’y comprends plus grand-chose, à mon rêve. En tout cas, on s’est levé à 6h30. Moi j’étais complètement gelée, j’ai eu froid cette nuit. Hier soir, on a tenté de prendre des photos des étoiles … c’était magnifique, la voie lactée faisait une trainée lumineuse partout, il y avait des espèces de trous dans le nuage d’étoiles qui semblaient complétables par des tas d’astres posés un peu plus loin ;… et pas mal d’étoiles filantes, aussi. Alexandre et moi étions les seuls à être restés debout. On voyait très bien le ciel criblé et son reflet reflet à l’œil nu, mais étrangement dans l’appareil, on ne voyait plus grand-chose.




        Je n’ai pas beaucoup dormi, j’ai fini par mettre la doudoune, mais j’avais omis les collants. Je ne voulais pas trop remuer et réveiller les autres, …la nuit prochaine il faut absolument que je prévois mieux le coup. Il semblait faire chaud le soir, mais finalement pas tant que ça. Hum.
La on est sortis, on a pris un chocolat chaud et des boudoirs. Il y a vite eu une sorte de luminance rouge étrange qui est apparue entre les nuages, comme si le soleil allait émerger par là. C’était une lumière très pâle, mais le rouge était quand même assez franc. Alexandre et Xavier se sont avancés pour aller faire des photos, … moi j’essayais de remballer le camp, je ne savais pas trop quoi faire ni dans quel ordre… j’ai fini par les rejoindre, la clarté devenait de plus en plus belle et forte sur le dessous des nuages au dessus des montagnes… 

 Le torrent a aussi commencé à se teinter de rose ; un peu plus loin, un reflet assez pur … au bout d’un moment, on a tous couru là bas. Au début j’étais devant une sorte de petit lac annexe, mais on a fini par tous se retrouver au même endroit. C’est devenu assez compliqué :
‘attends attends t’avance pas Alex reste là!
– Attends ‘tends minute Alex tu bouges pas
–Sarah non non n’avance pas…
-Manue ça va pas du tout t‘es dans le champ !
 –Oui mais minute Manue j’suis entrain de te prendre, là
 –Avance Sarah, faut que tu sois entièrement dans mon champ !
–Non je suis entrain de prendre une photo, là
–Marchez pas ici, c’est mon premier plan ! …
-Tu peux te mettre là bas ?
-Oui mais après, d’abord j’en prends une…’
C’est devenu un sacré méli-mélo… on s’en est sortis à peu près je crois… Le ciel est devenu vraiment complètement fou, les nuages se sont éclairés par-dessous en rouge vif, puis jaune… et le reflet restait… Le cerro Chalten s’est éclairé d’un côté en rouge écarlate, il a pris feu. On a couru partout, moi j’avais oublié tous mes filtres, j’ai essayé de faire deux poses à chaque fois pour avoir un truc assemblable. Après je suis montée en courant à un petit étang entouré de mousse que j’avais repéré hier sur les hauteurs pour pas qu’on soit tous au même endroit… mais seul le sommet se reflétait, pas les nuages. Ça m’a un peu énervée, je n’ai pas eu le temps de trouver autre chose. C’est dommage. Mais bon c’était quand même génial, superbe. Magique.

       Maintenant on va essayer de partir. François va peut être devenir fou, avec nous, entre tout le monde qui part ce matin en abandonnant le camp et le petit déj., Alexandre et moi qui sommes rentrés assez tard et qui avons discuté un moment à 50cm de lui, en écoutant le mulot entrer dans la poubelle… Apparemment il dormait… mais bon. J’espère qu’il va s’habituer ! Aller je vais aller faire mon sac.. et puis go.





      Il est 11h. On est dans un endroit assez magique. Enfin plus du domaine du fantastique. On est partis assez tard du coup. On a mis les crampons il y a environ une demi-heure, après avoir traversée la ‘’zone très dangereuse’’, zone d’éboulis instable assez curieuse et impressionnante. Maintenant on marche entre des monticules de glace bleue. Il y a eu des bruits d’écroulement pas très loin en dessous dans la glace, peut être un monstre enfoui, ou le glacier qui tombe.  Devant nous une sorte de cirque de roches avec une pointe comme un doigt levé vers le ciel, au milieu ; entouré de glace. Des mots noirs aussi, avec des formes bizarres. François avance donc je le suis… enfin j’essaye. Les crampons c’est vraiment abstrait. Il n’y a pas de points avant … enfin si mais tellement élimées que ça n’accroche pas. Le terrain se complexifie un peu… il y a les bosses bleues, et derrière on voit des crevasses.. donc je ne sais pas trop. Mais on va peut être tomber dedans. Enfin non mais je ne sais pas quel genre de détour il faudra faire pour contourner ça.


       On est entrain de traverser sur des sorte d’arêtes entre des gouffres de glace qui mènent jusqu’aux tréfonds du glacier. C’est vraiment beau. J’aime beaucoup la texture des lieux aussi, on dirait des millions de vagues. Et mêmes les collines de glace ressemblent à un ocean énorme avec des pierres qui flottent… et des gouffres avec des squelettes de glace, des formes curieuses… sculptures. François avance, donc on avance. Devant, c’est une énorme langue glacière et autour on commence à voir l’envers du Fitz Roy et son cirque de falaises un peu multicolores. J’imagine quand la glace recouvrait tout.
A droite, une cascade magnifique rebondit sur des milliers de rochers. Il y a des structures étranges de gouttes d’eau qui rebondissent jusqu’à la glace… enfin, c’est très beau.


      On est dans les entres d’une sorte de démon. Portes de l’enfer. Une pointe acérée sort de nulle part. On est complètement entouré de falaises et de séracs et il faut qu’on passe par quelque part … ou dans une cascade, ou sous les séracs, ou sur une barre rocheuse… c’est vraiment impressionnant. Le temps est impressionnant aussi, il y a un vent fou, des rayons de soleil parfois, un rempart vertical et des murailles noires, en face, sous le ciel obscur.





      On est tous un peu abattus parce qu’on a fait demi-tour alors qu’on y était presque …. A cause d’un passage de peut être 100 mètres … Je suis allée voir avec François et Mathieu, encordés super serrés, dans cette sorte de pente à peut être 40° surmontée de séracs qui tombent en continu… … mais on a vu qu’avec les sacs de plus de 25kg chacun sur le dos ce n’est pas tellement imaginable… J’ai toujours l’idée d’essayer de faire passer le matériel en deux fois, par la barre rocheuse, même si c’est dur, que ça glisse, je continue à penser que c’est possible. La météo se détériore, toujours du vent, même de sacrées rafales qui auraient pu tous nous décrocher si on avait tenté de passer. Un coup de vent a d’ailleurs failli tous nous renverser quand on est repartis… là on marche de travers, c’est vraiment impressionnant. Ce milieu hostile, les forces conjuguées des divers éléments … On est vraiment déçus, mais on n’avait pas le temps d’imaginer une solution…  et aucune envie de bivouaquer là bas, entre les séracs croulants, la muraille sombre et les chutes de pierre.


      Il est à peu près 20h30. Il y a des sacrés rafales, j’ai manqué de m’envoler en tenant le trépied tout à l’heure pour ne pas qu’il bouge, mais même en m’appuyant complètement dessus il tremblait, … et parfois le vent me faisait bouger, aussi… J’ai failli perdre mes gants dans le torrent, et sans doute d’autres choses aussi. En fait il y a un peu tout qui s’envole. Je ne sais pas ou j’ai mis le sachet pour les piquets de la tente, et tout ce qui va avec… mais j’espère que ce n’est pas parti avec le vent. On n’a pas monté la tente exactement au même endroit qu’hier, pour que ce soit plus plat.
Le Fitz Roy se joue un peu de nous… mmh … il émergeait des nuages, sa tête colossale dépassait des nuées… sauf qu’évidemment quand j’ai voulu prendre des photos il s’est complètement englobé dans la fumées grise.



      Le temps se gâte quand même beaucoup. Il y a eu des nuages toute la journée, ce matin c’était incroyable … mais là ça commence un peu à tourner vers l’incroyable dans le mauvais sens du terme. … Tout à l’heure on a entendu un énorme bruit, j’ai pensé aux portes de l’enfer se refermant … mais en fait, elles ont peut être laissé passer  un démon qui va venir nous hanter quelques jours avec ses vents sifflants, ses séracs grondants, … Les sommets sont peu à peu grignotés par les nuages (et notre nourriture par les mulots … enfin pas encore mais on a suspendu un nouveau système le long de la falaise déversante pour éviter que tout soit trempé).
       Les nuages défilent à une vitesse folle, mais ils n’ont pas vraiment une bonne tête. On se demande toujours un peu ce qu’on fait demain, si on retente la montée au Marconi, ou si on va par exemple au paso del Cuaderno … mais là il y aurait  1200m de dénivelée, donc on se demande si l'on prendrait le matériel de bivouac … ou pas …. Et sinon plein de solutions ont été imaginée. Comme monter les sacs en deux fois, passer d’un côté ou de l’autre, sous les séracs, ou par les éboulis, ou tout droit en escaladant la barre rocheuse, ou installer une corde fixe et monter avec de nœuds autobloquants, ou sans autobloquants, ou laisser des choses ici et faire une sorte de réel camp de base, ou accrocher les sacs sur les pulkas et les faire monter grâce à la poulie de François, ou se faire assurer d’au dessus, faire des relais, monter les sacs avec un relais sur broches à glace sur une pulka grâce à une poulie, … je ne sais plus exactement ce qu’on a trouvé encore… ! Mais j'ai l'impression qu'on ne va rien appliquer… parce qu’il va pleuvoir demain, et que le ‘very dangerous’ terrain pourrait réellement le devenir. On ne voit pas ce qu’il y a au dessus à cause des barres rocheuses, mais je pense qu’avec la pluie ça doit bien dégouliner, des rochers assez énormes doivent dévaler les pentes monstrueuses dissimulées. Ça vient quand même des portes de l’enfer après tout. Donc je ne sais pas. On va peut être rester ici et jouer aux cartes.
       Assez étrange, je suis assise dans un véritable fauteuil taillé dans le roc, je ne sais pas comment ça se fait qu’il y a cette forme là, mais c’est parfait. Enfin bon. J’entends une rafale qui s’approche à toute vitesse.
       On a mangé, aussi. Pas mal de choses, moi j’ai mangé trop de barres par rapport à ce que j’ai. Mais c’est pas grave, je suis capable de ne pas manger aussi, malheureusement. Enfin heureusement... j’en sais rien. J’ai gouté la fondue lyophilisée d’Alexandre ‘’avec ses croutons’’… elle avait un aspect bizarroïde mais elle était bonne ! Il manquait juste le vin blanc pour aller avec; parce que l’eau aux pastilles purificatrices goût piscine, … mmh. Les autres ont mangé de la tartiflette (lyophilisée), moi mes pâtes. Et puis de la soupe aussi, on a mangé de la soupe.
       La première étoile apparait. C’est drôle. Au milieu des nuages. Je commence à sentir un peu des muscles, et une épaule. Mais globalement il me semble que je vais bien, par rapport aux autres. Quelle idée aussi de se comparer aux autres… on ne peut pas savoir, s’ils étaient dans mon corps ils trouveraient peut être ça insupportable, ou génial, j’en sais absolument rien. Enfin disons que selon moi ça a l’air d’aller. Je vais peut être aller dormir. Ou aller demander une rondelle de banane à Alexandre, histoire d’avoir un dessert. François a fait de la mousse au chocolat lyophilisée, sauf que je m'interrogeais sur la façon de reconstituer de la mousse à partir d’eau … et effectivement, c’était plutôt de la crème que de la mousse.

      Malgré tout, c'est incroyable d’être là. Quand je regardais une montagne, juste avant, j’avais l’impression d’être observée … euh .. c’est entrain de se répandre partout. C’est une sensation assez étrange et désagréable, j’ai l’impression que toutes les montagnes me regardent. Au dessus de moi, il y a un glacier avec deux trous qui font des yeux ; .. et une énorme crevasse souriante…. , un creux pour le nez ; … des aiguilles de partout. Et puis derrière… c’est une vision assez effrayante, j’ai le sentiment qu’il y a des entités dormantes et amorphes de toute part, tapies dans chaque ombre… les montagnes prennent vie. Même si elles restent immobiles… pour l’instant. Elles m’observent… elles nous scrutent, nous, ces toutes petits personnages en bas, avec leurs petites lumières de frontales… , leur cordelette misérable pour éviter de se faire dérober leur nourriture tout aussi misérable. Tout pourrait se déchainer d’un moment à l’autre.  Sur une autre face, une montagne moins souriante… avec deux fentes de névés pour les yeux ; un nez aussi en névé de travers, une bouche diagonale, des épaulettes de rochers, … il a l’air d’une sorte de démon, gardien de la forteresse imprenable. Et devant, … je n’arrive pas trop à définir ce que c’est… un fantôme dégoulinant peut être, énorme glacier suspendu avec une forme sombre au centre qui fait une bouche béante. Des bras qui sortent d’un amas de glace. Gargouille attentive …

       Je vais peut être arrêter de penser à ces êtres de roche, sinon, je ne vais pas beaucoup dormir. Enfin j’ai cette impression.

3 commentaires:

Joëlle a dit…

envie d'être encore jeune et libre et partir avec vous en lisant ton récit et en vous voyant si LIBRES...journal de voyage...photos superbes...sinon ben j'ai appris qu'il existe de la fondue lyophilisée???

Anonyme a dit…

Une plume qui donne envie de repasser lire la suite tous les jours et des photos qui donnent envie de sauter dans un avion pour marcher sur les traces de ce groupe !!!

Ambre de l'AlPe a dit…

merci ... oui, de la fondue lyophilisée... qui l’eut cru? Et la tartiflette aussi; on en apprend tous les jours....!