lundi 18 juin 2012

25 mars.


//On était dans un magasin de sport à la dernière minute, parce qu’on n’avait pas assez de gaz pour le réchaud. La vendeuse nous demandait 15 000$ la bouteille. Ca va pas non ?! 20 000$ tant que vous y êtes ? Elle sait qu’on en a besoin, et qu’on va l’acheter. Ensuite on est partis en courant derrière un guide jusqu’au Lago de los Tres. On a grimpé une moraine croulante dont les pierres roulaient sous nos pieds et on est arrivés à un lagon glacière, aec des icebergs mouvants, devant le Fitz Roy. A droite, à l’infini, la mer. Avec des blocs de glace blancs à la dérive dans le bleu unique de l’eau et du ciel.
            On a longé le lac. Il était gelé. Il fallait marcher dessus pour s’approcher plus des montagnes. Avec les sacs, on était lourds. On s’est avancé sur la surface glissante, d’abord debout, puis à quatre pattes pour éviter de la casser. Je suis passée sous une énorme arche de pierre naturelle. La glace s’est fissurée. J’ai dit aux deux personnes derrière moi de faire attention, alors que je me couchais pour répartir mon poids. Devant, le liquide succédait au solide, avec un reflet parfait.
Les autres ont avancé. La glace a craqué sous ma main. Ils ont continué. La surface s’est brisée sous moi, et je me suis retrouvée à l’eau. J’ai pu mettre mon sac sur le bord, et j’ai essayé de nager jusqu’à la rive. //

            Le réveil de François a sonné, cette nuit. J’ai cru qu’il était 7h, j’ai commencé à m’habiller… en fait, il était 1 ou 2h. Hm.
            A 7h, celui d’Alexandre a pris la relève. Sauf que c’est la journée du changement d’heure. Impossible de savoir s’il est 6 ou 7h (on cherche toujours). Après de multiples déductions abstraites, selon l’heure en France, le décalage de l’année dernière, l’horloge de l’auberge, un iphone qui se mettent automatiquement à une certaine heure et nos impressions personnelles, … on a déduit qu’il devait (peut être) être 6h. Mais on guette le bus quand même, si jamais.

Manifestement il était bien 6h. On est en AVANCE (C’est fou !). Le Fitz Roy émerge dans un ciel pur, ça va encore faire un levé de soleil de taré… (on en vient à espérer que non).
            La forteresse s’est colorée de rouge. Nous, on essaye les sacs. On a échangé un peu, moi ça me parait plus léger, forcément ; mais ça reste complexe. Alexandre a essayé le sac de Xavier, et aimerait bien échanger, je crois. On fait des bricolages pour ne pas se démonter les épaules, … enfin bon. A quand le tirage à la courte paille pour le portage des pulkas ? Hum.
            Finalement, on est en retard. Le minibus est venu nous chercher à 8h10 (au lieu de trente) ; on est dedans, il a démarré, ça secoue. On était pas près, c’était le bordel, on s’est dépêché de laisser nos trucs en trop dans une micro salle sous l’escalier (enfin un des escaliers) de l’auberge, d’entasser nos sacs, bâtons, raquettes, crampons, pain, piolets, pulkas, (ARG). Bref. On y va.




                    On est à la Playita. Depuis 16h environ. On est allés assez vite en fait, globalement. Même si c’était vraiment dur. J’ai tout expliqué au dictaphone, je crois que je vais le … euh. Je sais plus. L’utiliser un peu à la place du carnet, même si c’est pas la même chose, fatalement. C’est plus pratique, avec les autres. Plus rapide qu’écrire. Même si Manue tient un carnet aussi. Mmh. Il y aura surement encore quelques mots qui traineront. Comme que j’ai les mains gelées, qu’on a presque failli abandonner (mais non), que je suis assise sur un mur d’assemblage de cailloux et que je dois aller faire à manger.



                Nous voilà  à La Playita, le long du torrent. Le premier camp de notre expédition! On a mis un certain temps à arriver… on a pris le bus ce matin, on a failli être en retard, malgré qu'on se soir levé une heure trop tôt car nos réveils français avaient changé d'heure ... mais pas l'argentine! Enfin on l’a eu quand même. Ensuite  à commencé la réorganisation des sacs quand on est descendus du bus. … D’ailleurs les sacs se sont écroulés dans le bus, et bloquaient le passage ; on prenait déjà 4 sièges rien que pour nos bagages empilés les uns sur les autres avec les raquettes et bâtons qui dépassent et les pulkas qu’on a du mettre à l’arrière dans le coffre inexistant… sacré bazar!



On a réussi à arriver là ou on devait, devant le Rio Electrico, et on a pu commencer à se ré-réorganiser… puis entamer notre étape proprement dite. Mais marcher ce n’était quand même pas très simple… Déjà pour moi c’était dur, mais j’ai l’impression que les autres ont encore plus souffert (ou j’ai un seuil de tolérance plus élevé, je ne sais pas)… en tout cas, l’idée d’abandonner a été évoquée assez vite…. Ça me fait un peu peur parce que bon, je n’ai pas envie qu’on soit là, avec le guide, pour rien, ce serait vraiment bête. On a traversé des forêts géniales sans s’arrêter, en traçant ; on a croisé un panneau à terre qui indiquait Piedra del Fraile 1h alors qu’on avait marché seulement 40min et que normalement le temps indiqué était de 2h… on s’est dit qu’on allait vite. En fait c’est surtout que le panneau n’était pas au bon endroit… On a croisé aussi des vaches, des chevaux, une trace de chien, enfin plein de choses… 


On se demandait vraiment ce qu’on allait faire … Xavier et Manue souffraient beaucoup du poids de leur sacs ; Alexandre aussi, mais il avait pour l'instant plus de motivation pour continuer ce périple….
Arrivés à Piedra del Fraile, on aurait été censé croiser un illustre inconnu qui aurait du nous faire payer 75 pesos parce qu’on traversait son champ… On a eu de la chance, on ne l’a pas vu. Par contre une vache nous a meuglé dessus pendant un certain temps (vache de garde) a l’endroit ou on s’est arrêté pour manger. On a essayé au maximum de s’alléger en mangeant et en distribuant diverses denrées …
‘vous pouvez prendre mon pain
 –prenez mes barres
 –mon jambon il est bon !
–vous pouvez boire à ma gourde, ne vous inquiétez pas j’en ai encore assez !’ …
On a encore réorganisé les sacs, j’ai pris la batterie portable (le gorilla) et l’ordinateur … donc là ça a commencé à devenir … assez lourd, quand même, même si j’ai porté plus la semaine passée. J’ai senti une douleur étrange en bas du dos, à un muscle dont j’ignorais l’existence qui a manifestement été compressé par le sac. Pas très agréable… sensation inconnue.




        On a bricolé le sac d’Alexandre pour que le poids soit plus porté vers l’avant, parce que sinon, la charge l'entrainait littéralement vers l’arrière. … Mathieu a pris la pulka a Xavier, Xavier a pris le trépied de Manue et Manue a pris les mulins (c'est-à-dire des bouts de mousse qui protégeaient les trépieds pendant le voyage et qu’ils se mettent sur les épaules pour éviter d’avoir trop mal à cause du sac) … ça semblait aller mieux. On a traversé une succession d’étendues diverses avec une sorte de petit chemin … on ne pensait même pas qu’il y aurait de chemin donc c’était une assez bonne surprise de le trouver, celui là. … Et nous avons réussi à arriver là. Le premier camp. La Playita.


               Il semblerait que tout le monde ait repris un peu de force et de volonté, plus personne n’envisage de repartir en courant (enfin en courant, avec les gros sacs ce serait dur). On va continuer…. mais on ne sait pas trop comment. C'est-à-dire que faire le tour complet paraissant très physique, peut être laisserait-on des affaires ici, pour aller au col Marconi et jusqu’au Circo de los Altares… puis on reviendrait là… mais on ne sait pas. Ca reste une option… on y réfléchit. Surtout les autres je crois… mais je comprends. La montée demain, 1000m, je ne la sens pas non plus, clairement. Mais je pense que je vais y arriver ; … je ne sais pas en combien de temps, mais on devrait tous y arriver. Ca va juste être… dur. On va tous être KO, là haut. Et j’espère qu’il n’y en a pas qui vont dire, ‘non c’est pas possible, on fait demi-tour’…. ! Enfin bon, voilà… on va essayer d’y arriver, et de s’organiser…



                On a monté les tentes, on fait chauffer du thé … le guide se demande un peu ce que je fais à courir partout, il me rappelle tout le temps à l’ordre … ‘non non hé Sarah, tu fais quoi, là ?!’… il va peut être s’habituer, avec moi, … enfin je ne sais pas, il aura peut être un peu de mal.
Enfin bon, bref, on y est ! Quand même, c’est déjà bien ! Voilà … voilà ! Je crois que j’ai tout dit, là… j’ai toujours pleins de choses à rajouter … mais ça suffit je crois…. ! (Étrange le dictaphone.)

                Ah oui ce que j’ai oublié qu’on a traversé le Rio Polone, s’attendant à un terrible fleuve….et en fait en trois pas … (enfin trois pas humide, hein) c’était fini ! Déjà une bonne chose de faite, une première réussite. …

                Ce camp est à côté d’un fleuve, enfin d’un grand cours d’eau… j’espère qu’il ne faudra pas  le traverser parce que ça semble assez complexe. Ce doit être le Rio Electrico … enfin ce qui alimente le lago Electrico … enfin non, ou peut être, en fait, je n’en sais absolument rien. C’est ce qui alimente le lac à côté duquel on est.
                Et la Playita est comme son nom l’indique une sorte de petite plage … en cailloux, hein, pas en sable… ce qui fait que l’enfoncement des sardines est un peu complexe…. Loin au dessus de nous et d’une succession de barres rocheuses, une sorte de bout de vieux glacier exhibe des séracs pendants, qui vont surement tomber…  Il y a aussi une face incroyable de roche noire avec le glacier sur lequel on va monter demain, des séracs, des faces un peu plâtrées qui émergent, avec des dégoulinements de neige ; et une petite aiguille qui me plait bien, on dirait … je ne sais pas trop, une griffe, un doigt ; avec beaucoup de neige en haut. Peut être un champignon de neige (comme François qui nous disait que pour grimper au Cerro Torre, il faut faire de l’escalade déversante sur un ce type de terrain curieux).

         On voit aussi la pointe du Fitz Roy, … qui n’est pas très acérée, d’ailleurs. Quelques éboulements en haut. Et des sommets annexes, des faces vraiment verticales et incroyables, quasiment pures, sans aucune fissure… c’est un peu taré. Sur les côtés, des montagnes multicolores… il y en a une qui est rouge, avec une noire devant qui ressemble à  un assemblage de morceaux de taupinières, ou de termitières avec une sorte de veine blanche (peut être du quartz ?) qui fait des ondulations, surmontée de rouge et de gris et d’ocre, tout en haut. Et une sorte de double griffe noire aussi qui dépasse de la partie rouge … (enfin je ne comprends pas trop, le paysage est complètement fou). Il y a très peu de vent, et du soleil.




                Les tentes sont à l’abri de murs de pierre assez énorme construits le long d’une mini-falaise ; ce système devrait nous protéger du vent ….inexistant pour l’instant. Avant, les tentes étaient posées dans une sorte de pré à 200m. Finalement on est venu là. Dans me monde minéral plus austère… mais qui semble offrir une meilleure protection. On a aussi établis notre système anti-mulots… c’est à dire qu’on a mis des sortes de coinceurs dans des fissures rocheuses (un nœud et un caillou… en espérant que le caillou ne se transforme pas en projectile avec la pression des sacs de nourriture) avec une ficelle autour ; la ficelle étant accrochée à l’autre bout sur un gros rocher encastré dans le mur qui protège les tentes. La dessus sont suspendus les sachets de victuailles … Parce qu’il ne faut pas croire, on en a déjà vu, des mulots. Tout près, dans les cailloux…. Ils nous guettaient déjà. Même ici où il n’y a quasiment plus de végétation, ils ont investi le terrain. Il ne faut pas les sous estimer, ces bestioles….

                Tout à l’heure  nous irons sans doutes au bout d’une sorte de presqu’île pour aller voir le coucher de soleil sur le Fitz Roy, qui apparait entre deux montagnes, au dessus d’une vallée méconnue… ce serait bien qu’on réussisse à aller là. Enfin ce n’est pas loin… mais on est un peu ko, quand même.

                On a essayé de casser des géodes avec Xavier c’était … assez abstrait ! Il y trouvé une grosse caillasse avec un filon de quartz qui ressemblait vraiment à une sorte de géode, … en très  lourd… ! Au bout de deux lancers, la pierre n’a pas cassé. Donc on en a cherché une plus petite… après maints essais, elle s’est brisée … sauf qu’en fait, ce n’était pas une géode… rien dedans … c’est un peu bête !
                Il est 18h40.. François revient de son ‘petit tour’. Il est allé essayer de voir là ce qu’on verrait demain, enfin … repérer le début du chemin, je crois que c’est mieux dit, comme ça. On était sensé déjà avoir préparé à manger, mais en fait non. Je suis entrain d’essayer de chercher de l’eau, j’ai une casserole en main… j’essaye de lui enlever son gilet mais avec une seule main j’ai du mal… enfin bref. On  va aller manger je crois, des lyophilisés super géniaux.. enfin les plus lourds d’abord. D’ailleurs dans cette logique, moi je vais manger des pâtes.

Voilààà. On a mangé. Mes nouilles, m’ont paru absolument délicieuses par rapport à ce que j’ai mangé la semaine dernière. C’est un énorme progrès. J’aurai du y penser plus tôt et en emmener deux paquets. J’ai mis un peu de parmesan avec ça et c’était absolument, génial. Les autres ont mangé des lyophilisés... ils semblent n’avoir pas trouvé ça particulièrement excellent. Je vais devoir y passer aussi, au bout d’un moment… je pense que je supporterai assez bien ces trucs là. (On verra.) On voulait partir assez tôt pour pouvoir voir le coucher de soleil … mais on a mangé  relativement tard… la lumière a donc commencé à être faible, il y a sans doutes des cirus qui cachent le soleil de l’autre côté. On ne s’y attendait pas. Dans un sens, on ne s’attend pas à grand-chose. Ni aux difficultés, ni au paysage, ni aux repas abstraits, ni à la météo …. Enfin c’est difficile d’imaginer tout ça.


          On est quand même allé voir, je suis montée sur la ‘motte’, la sorte de presqu’île moussue. Les autres sont en bas entrain d’essayer de prendre des photos avec un reflet sans doutes, et moi j’ai une vue sur eux et les méandres du fleuve qui ont une couleur assez bleutée, que je trouve très belle. Évidemment, le Fitz Roy s’est décoloré, dommage mais on ne peut pas rappeler la lumière… j’ai essayé de faire des poses idiotes devant sur un caillou pointu, ça n’a pas tellement marché je crois. C’est quand même géantissime cette face, ces falaises, … contraste énorme avec tout le reste, les autres sommets ressemblent à de la pourriture autour… mmh. Et le Fitz, c’est vraiment le champignon titanesque qui sort au milieu de tout ça. Enfin il y a une différence de type de roche plus que flagrante, disons.


            Je suis en t-shirt, ça m’étonne beaucoup (… d’un côté je suis restée en t-shirt très longtemps tout à l’heure alors que les autres ont de suite mis leurs doudounes… ). On a vraiment un temps clément pour le moment. J’ai même chaud, à force de courir avec le trépied dans ces espèces de blocs de roches et demi barres rocheuses étranges couvertes de tas de mousse (et de boules de mousse). Il y aussi des espèces de baies joufflues rouges,oranges ou blanches (que Manue disait qu’on pourrait brouter si on avait trop faim) et des sortes de coraux orangés que je trouve très beaux et que j’aimerai bien regarder de plus près. (Mince j’ai oublié mon objectif sous l’autre caillou ou j’étais tout à l’heure.) Je suis partie en mangeant mes pâtes, avec le trépied sur l’épaule, en courant à moitié… je crois que je suis quelqu’un d’assez drôle à regarder, dans mes conneries, là.
            Toutes les pierres et barres rocheuses aux alentours ont été polies par des glaciers. C’est vraiment superbe. Je vais redescendre au camp sinon il va faire nuit et je ne vais plus trouver mon chemin.





1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un réel plaisir de lire tes aventures en contemplant de magnifiques photos !! Merci pour l'invitation au voyage