2 avril.
// C’était enfin fini. Plus de
fac, plus d’exams, de conneries comme ça ; pour le moment. J’étais
heureuse. Il faisait presque beau, quelques nuages se baladaient dans un ciel bleu azur. J’étais en voiture,
je ne sais pas avec qui. On roulait entre des collines herbeuses, dont les
graminées ployaient sous le vent.
Personne. Juste la route et des
étendues sans fin. Je voulais aller flâner, sans rien avoir à faire. Quelques
photos, peut être… ou même pas. On s’arrêtait au milieu de nulle part et je
sortais courir avec le vent. On voulait aller à une ruine. Un vieux château
croulant sur un monticule dominant. Avec une vue sur une étendue d’eau
splendide. J’ai grimpé sur les murs de pierre grise de l’ancien monument.
Sensation de liberté.
On est repartis, je voulais voir
pleins d’endroits, tellement de choses. Un assemblage de monolithes perdus dans
une contrée herbeuse. Joli contraste du gris et vert mouvant de l’herbe ;
avec le ciel qui se couvrait doucement. Puis la mer. Je suis tellement allée en
montagne, maintenant, l’océan. Je devais rejoindre le groupe. Je me
réjouissais. Je me suis assise sur un muret de pierre, sous les collines et
surplombant des vagues turquoises infinies surmontées d’écume blanche. Avec des
rayons de soleil qui donnaient une transparence et une couleur incroyable.
Vraiment beau. Je réfléchissais à tout ce que j’avais encore à faire.
Une dame assez âgée, une voyante,
s’est avancée. Elle m’a demandé le plus naturellement du monde si je savais que
mon chemin ici allait bientôt s’achever. Je n’étais qu’à moitié surprise. Oui,
je le savais, depuis longtemps… mais je ne pensais pas si tôt… !
Maintenant, c’est dommage. Inéluctable, mais regrettable. Elle m’a dit qu’elle
était désolée, de me l’annoncer, et que ça se produise. Elle n’y pouvait rien.
C’était comme ça. Ca commençait à m’effrayer. Un peu.
J’ai regardé autour de moi. Les
collines, le château. Un bâtiment au loin. L’herbe. Un vendeur de glaces,
quelque part sur la plage. Je suis descendue du muret et ai avancé vers l’eau.
Un petit sentier y menait. Les vagues étaient magnifiques. Emeraude, dégradé
vers un bleu profond, crête blanche. J’ai marché jusqu’à l’eau. Me baigner dans
les vagues faisait partie de ce que je voulais encore faire. J’ai avancé.
Jusqu’à la taille. Des successions de montagnes liquides venaient se briser sur
mes hanches.
Une déflagration est venue de la
plage. La balle de fusil m’a traversé le torse. J’ai vu le sang tacher ma
chemise, et j’ai senti que je chancelais. J’ai ordonné à tous mes muscles de
m’obéir encore. Une dernière fois. J’ai marché doucement vers la plage. Et je
me suis effondrée, encore à moitié dans l’eau. Je sentais le liquide salé
entrer en moi, là ou le sang sortait. Quelqu’un a couru vers moi ; Je
savais que c’était fini. C’était arrivé vite. Une sensation de froid
m’envahissait lentement, alors que le soleil essayait de me réchauffer. La
personne est arrivée jusqu’à moi. Je me suis concentrée et ai levé la tête.
‘’Il n’y a rien à faire.’’ Elle ne voulait pas y croire. On m’a porté jusqu’à
une dune de sable sec. Le sable se mêlait à l’eau à l’intérieur de moi. Je
voulais garder les yeux ouverts. Jusqu’au bout. //
C’est étrange de se réveiller en se
pensant mort. Vraiment. Drôle d’effet. J’ai re-rêvé de la mer turquoise et des
vagues ensuite. Et d’une plage de sable fin, blanc ocre. Je ne me suis pas
levée pour le lever de soleil. J’ai regardé depuis l’abside de la tente les
nuages se colorer en rose, puis un bout des contreforts, la pointe Poincenot
(dont Alexandre a rêvé qu’elle tombait). Xavier, Manue et Mathieu sont allés
aux ‘laquets’. Le rose a été très … court. Illumination, darkness,
ré-illumination, absorption par une nuée grise (qui s’avérait être un
lenticulaire, mais il n’en avait pas tellement l’air, depuis la tente… hum).
Puis plus grand-chose. A part le démon cracheur qui nous souffle violemment
dessus.
Mathieu est revenu, François a
émergé et a cherché et fait chauffer de l’eau, j’ai bu mon thé et mangé ma
compote lyoph. réhydratée tiède (assez bon) alors que Xav et Manue revenaient.
On a commencé à remballer assez tard, fini encore plus tard. Etrange de quitter
ce lieu. J’ai envie de manger quelque chose, mais pas (du tout) envie de
retrouver la ville (même petite) et la foule. Je crois que l’envie de manger
est même reléguée au second plan. … Mais bon.
11h. C’est parti… La violence du vent augmente, les arbres sont encore
multicolores, mais la transition automnale a avancé. Beaucoup. Même météo qu’à
mon premier retour à El Chalten, bourrasques encore plus violentes peut être.
J’ai parfois du mal à avancer et à respirer. Les messagers siffleurs sont de
retour. Je m’énerve toute seule, j’ai envie de leur crier dessus parfois. On
est tous partis ensemble mais le groupe s’est disloqué dès l’apparition d’une
sorte de bécasse au long bec dans les marais. Pas très farouche, mais pas assez
téméraire pour prendre la pause. S’en suivent croisements divers, je dépasse
Xavier, qui me dépasse, que je retrouve alors qu’Alex et Mathieu se sont
arrêtés à côté de la rivière aux tons pastels, je rattrape Manue enfouie dans
les buissons sur la rive de la même rivière ; François est toujours loin
devant. On (Manue et moi) le retrouve affalé dans une plante verte méconnue.
Je retrouve la cascade devant le Fitz Roy (qui a disparu). On y descend en
laissant les sacs au bord du chemin pour que les trois garçons manquants nous
retrouvent, et on tente quelques images, moi tenant le trépied à deux mains
(limite suspendue dessus) alors que le vent essaye de me le prendre, souvent
par surprise (traitre). Je l’injurie un peu, de toute façon on n’entend rien.
Changement de batterie au bord d’un monticule rocheux avec le trépied sous le
coude droit et l’appareil sur le genou gauche pendant que les filtres
s’envolent et que je penche de façon inquiétante vers le bord. Mh.
Le sommet de la forteresse, avec ses dalles lisses et ses fissures,
apparait rarement. Sorte de fantôme, de rêve hallucinatoire. On fini par
remonter trouver nos sacs ; … pas de garçons (mmh ?) Ils sont où ?
Ils auraient du remarquer les sacs et comprendre… ou alors ils ont tracé vers
la ville… On ne sait pas. On repart.
Je raconte mes rêves louches à Manue, François a pris le large. Elle manque
de se prendre une splendide gamelle grâce à un auto-croche-pied d’une
efficacité rare, en traversant une des forêts chaotiques de bonzaïs géants aux
feuilles miniatures. Des bonzaïs serrés (toujours le questionnement arbre =
buisson ? (ou pas ?), des bonzaïs espacés, des grands, des petits,
des touffus, des larges, des squelettiques, des hauts ; puis les touffes
piquantes, la vue sur la vallée (qui me fait toujours songer à l’Islande), les
rideaux de pluie qui nous poursuivent, les arbres verts, les touristes, les
familles, une fille avec mini jupe, sandales et sac à main en faux croco
brillant (moche), la dernière forêt et François à moitié endormi dans l’herbe.
Et toujours pas les autres. Je commence à m’inquiéter pour le genou de Mathieu,
j’espère qu’il n’y en a pas un qui doit porter sa charge.
Et d’un côté, ils pourraient être déjà à l’auberge. On a parlé de patates
rôties. J’ai faim. On y va.
Chambre 6 (pas 9 comme la dernière fois) ; Alexandre arrive en 3ème position,
Mathieu un peu plus tard. Enfin Xavier. Les chaussures sont posées sur le
rebord de fenêtre, on est allé manger des empanadas dans une boulangerie alors
que le vent se levait pour de bon.
Fin de la caisse commune, début de la fin pour moi. Je leur dois 410$.
Gnarg. Ça ne servait à rien de prendre moins de choses ou des choses moins
chères… (Pfff). J’en ai marre... Quand est-ce que je gagne au
loto pour pouvoir inviter tout le monde ?! Gné. GN. Les 500$ que j’avais
sortis ont donc déjà disparu, il faut que j’en ressorte, pour payer le bus, LES
bus, les auberges, les courses, … 60$ Calafate, 75$ Puerto je crois ; 60$
x 2 pour l’auberge + celle de François … (> plus de 255$, déjà).
On a fait la lessive, je suis retournée chercher de l’argent ; j’ai
fait les courses petit déj. pour Alexandre et moi (il était resté à l’auberge)
alors que les autres sortaient du magasin ;... c’est la tempête dehors. Des
rideaux de pluie, vagues déferlantes en lévitation, tout qui s’envole, portes
qui claquent. On a réservé pour un restau. Je suis vraiment plus économe seule.
Il faut que je me raisonne et me décide d’aller manger mon riz à l’auberge seule, mais j’y arrive pas, c’est plus sympa avec l’équipe ; enfin
ça ferait un peu nombriliste, j’en sais rien, je ne sais pas ce qu’on penserait
de moi ; que je suis grippe-sous peut être et râle sur le moindre euro. Je
n’ai pas envie de ça. Je suis un peu partagée (écartelée). Tsss (idiote).
Depuis l’auberge, on contemple le chaos ultime, le lenticulaire en anneaux
qui semble projeter sa colère depuis les contreforts du Fitz Roy ; les
arbres qui ploient, les murs qui vibrent, les fenêtres qui tremblent à l’idée de
se faire briser, les tourbillons de poussière qui s’élèvent (les chaussures qui
prennent un peu l’eau).
On est allé manger. Ils ont tous pris une entrecôte, pommes de terre et
légumes. Moi une salade. Je le ferais rôtir à la broche, cet arnaqueur ... Voleur. Hm.
J’ai gouté le tiramisu d’Alexandre. C’était bon. Mmh. Mais bon. Ils payent le
vin. C’est déjà bien. Il faudra que je leur paye une bouteille, un jour. Au
retour…
J’ai envie de faire un tiramisu. Je vais voir peut être, si je trouve
du mascarpone… Tiraillée entre cette envie de me faire plaisir, et de faire
plaisir aux autres surtout, et cette obligation de ne pas dépenser.
C’est fatiguant. Je m’en veux, en plus. C’est encore plus fatiguant.
La pluie s’est calmée mais pas le vent. On ne pouvait payer qu’en cash au
resto, j’ai avancé 400$ aux autres. En plus de ma salade à 30$. J’aimerai
tellement ne pas avoir à compter… On est allé dormir, j’ai mis Apocalyptica en
sourdine et je me suis serrée dans mes bras. J’ai attendu longtemps. J’ai fini
par éteindre la musique. Et par sombrer.
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