mercredi 6 juin 2012

19 mars.

            Les italiens se sont réveillés à 8h ; j’étais entrain de rêver mais je ne me souviens plus de quoi du coup. Quelque chose avec des buissons. J’ai voulu regarder à la fenêtre (Fitz Roy ??) mais j’avais tellement la flemme de m’habiller que je ne suis pas sortie du lit.
A 9h, j’ai émergé, de nouveau oublié mon rêve ; je suis allée prendre une douche (bonne surprise, elle était chaude). L’italien à côté est entrain d’appliquer une technique d’écrasement pour que les choses rentrent dans son sac ; en les posant et en s’asseyant dessus. … Je vais manger mes pâtes …

            Mmmmmmmm la même chose qu’hier, mais en froid. C’était délicieux. Je crois que je commence à avoir hâte des lyophilisés. Il faudrait que j’améliore un peu mon pâté de vermicelles.

            Le Fitz Roy émerge derrière les collines devant moi. Je mange une méga-barre ‘’protéine cruncher’’ avant de partir (et suite à un vidage complet du sac pour la trouver). J’ai découvert un endroit ou aller sur le net, fait un peu le point de ce qu’il y a dans les supermarchés et locations ici. Je m’apprête à prendre la ‘route’ du campamento Rio Blanco. J’ai oublié de remplir ma gourde … En théorie 3h10 et 10,4km pour le camp Poincenot, logiquement 15min de plus pour le Rio Blanco. Bonne chance.
            13h54 : j’ai mis 1/2h à refaire mon sac. J’y vais !


 


 
            Je suis enfin … au laguna Capri (je l’ai trouvé, contrairement à l’année dernière !). Il est 17h15, je suis là depuis 25min. C’était vraiment vraiment (vraiment) dur. 30kg… plus jamais ! (Mmh j’ai pas déjà dit ça avec 20 ?) J’ai du m’arrêter au moins 5 fois ; un moment tous les mille pas, puis n’importe quand ; j’ai traversé les étendues folles en me demandant si j’allais finir par m’habituer à ce foutu poids ou m’écrouler. Au bout d’une heure, j’ai décidé d’aller à Capri. Demain Rio Blanco.


            Le Fitz Roy est là ; entité majestueuse de plus en plus impressionnante. Il domine les bois ou j’ai planté ma tente. Pour l’instant je suis seule au camp, seule avec le clapotis de l’eau, le souffle lointain du vent, et le silence. Et les mulots, surement. J’ai croisé pas mal de monde, avec des micros sacs et des gourdes et paquets de gâteaux qui dépassent. Il y en a quatre qui dévalaient en courant le plus vite possible, un tas de touristes plus ou moins débutants, des caravanes d’anglophones qui se vantent de leurs exploits dans une cacophonie de cliquetis de bâtons, une équipe armée de brouettes, pelles, pioches, haches, perches et ustensiles divers, un couple de français et un groupe d’asiatiques avec des sacs de couchage qui pendent. Mais maintenant, plus rien. C’est ça que je veux. Que j’attends.
            Mon t-shirt ; pull et serviette pendouillent sur des branches d’arbre, je vais rajouter les sachets de nourriture avant qu’ils ne soient vidés.
            J’ai froid. Surement parce que je n’ai pas mangé un repas correct depuis mon arrivée. Enfin correct pour moi, sinon les deux premiers auraient été acceptables. Je teste la doudoune. (J’ai mangé quoi déjà ? Hmm… Mercredi > un verre de jus le matin, nems avant de partir, rien à midi, apéritif ovoïde à l’huile d’olive le soir + avion. Jeudi > avion, apéritif toujours pareil, côtelette de je ne sais quoi. Vendredi > sandwich,  riz et poulet (gné), chips. Samedi > tartine et yaourt, mini sandwich + chips, olives. Dimanche >  rien, sandwich salade soja, bouillie de vermicelles. Aujourd’hui > les mêmes vermicelles + une barre de céréales. MOAIS. J’aurai au moins du demander aux autres de me ramener des nouilles chinoises… ça m’aurait permis de manger celles qui sont dans mon sac sans attendre la semaine prochaine…)


            Wow. C’est bien un réchaud à gaz mais j’ai failli mettre le feu aussi ! Ca a fait une flamme genre usine de pétrole, 50cm de haut, 40 de large… Ahem. Je suis revenue au campement dans la forêt au bord du lac. J’ai un peu mal en bas du dos, couchée comme je le suis. Le camp est monté, les affaires dans la tente, l’eau à chauffer (pratique cette casserole, je peux chauffer assez pour thé et pâtes d’un coup), les sachets suspendus côte à côte à une branche… Je sais que s’il y a du vent, ça va faire du bruit cette nuit et je serais paniquée, mais c’est compliqué de faire autrement. Et j’ai pas envie de tout démonter.
            J’ai renversé une partie de mon eau en voulant remplir la thermos. Il va falloir que j’en recherche. Deux autres personnes au camp. C’est un bon compromis ; c’est rassurant, quelque part. En plus ils sont discrets, donc le calme et l’isolement apparent du lieu restent relativement intacts. Un groupe vient de passer, sans lampe, ils sont perdus je crois, ils m’ont demandé (en espagnol à toute vitesse) d’éclairer le panneau du camp (j’ai mis un moment à comprendre… ils faisaient des gestes mais forcément je ne les voyais pas, dans le noir). Ils s’éloignent en disant qu’ils vont mourir, en plaisantant et riant.








            Le coucher de soleil a été génial. J’ai trainé près du lac, pour voir ; toujours le mont impressionnant tout près, mais rien de transcendant. Puis le soleil est passé entre les nuages derrière le sommet, se reflétant avec force dans le lac. J’ai failli plonger avec mes chaussures, me suis ressaisie, les ai enlevées, ai posé le trépied dans une position jusqu’alors inconnue alors que mes pieds me suppliaient de les laisser sortir de là. J’ai fait une photo incroyablement nulle, que j’ai effacée de suite. C’était encore mieux debout au bord.
            Il y a une sorte de plage un peu plus loin, j’ai décidé d’aller voir, vite fait … et j’y suis restée jusqu’aux dernières lueurs ( !). J’ai d’abord essayé de trouver un premier plan intéressant sans réussir ; alors je me suis assise par terre et j’ai écouté les vagues. J’ai fait un trou près de l’eau pour voir la plage respirer. Le trou s’est rempli de mousse. Vraiment étrange. J’ai bâti un château de sable aussi. ‘’T’as vu le Fitz Roy ? Cool … ! Et … t’es montée quelque part ?
-Au laguna Capri.
-Génial ! Et t’as fait quoi, là bas ?
-Un château de sable.’’ Normal.


 



Il y avait un autre photographe qui trainait à l’opposé de la petite plage. Il devait me prendre pour une folle. Ce n’est pas grave. Selon les critères de beaucoup je suis totalement cinglée. Tant mieux …
            Les lenticulaires ont commencé à prendre des teintes intéressantes. Orangé. J’ai pesté contre l’absence de big stopper, ou d’empilement de filtres valable ; je suis devenue un peu folle (selon mes critères, donc niveau au dessus) ; j’ai tenté des tas de trucs toujours iso50 f22 et avec l’unique filtre. Il ne fallait qu’attendre. J’ai mis la télécommande in extrémis, après avoir retrouvé les piles, l’avoir fait tomber dans les cailloux, essayé de la brancher à l’envers et l’avoir éteint au lieu de l’allumer ! Le ciel s’est éteint deux minutes après. Au rose a succédé le gris, le lac a perdu ses reflets rougeoyants, les vagues de flammes ont disparues. Il fallait revenir.






 
            A l’excitation intense a succédé l’angoisse, en même temps. Cette peur irraisonnée et irrationnelle de choses inexistantes et innommables. Je me suis dépêchée de traverser les buissons denses qui auraient pu contenir… (je ne sais pas, un oiseau prêt à me dévorer ?). J’ai même évité les rangées trop serrées et plus sombres.
            Au camp, les autres étaient déjà dans leur tente. J’ai décidé de rester dehors pour voir que ce n’est pas si dangereux. Allez… ‘La nuit est une amie qui t’offre son camouflage.’ Elle va pas t’avaler, bordel. Enfin si, elle avale tout, avant que l’aube ne revienne avec sa lanterne astrale. … mais c’est pareil pour tout le monde… ! J’ai cherché de l’eau dans le lac, en oubliant d’enlever l’habit de la casserole. Elle a eu son gilet trempé, la pauvre. A force de conneries comme ça je vais finir par devoir porter quelques kilos de plus encore.

            Mes pâtes sont cuites. J’ai bu une partie de l’eau, sans thé ni soupe, juste parce que je suis sure qu’elle est potable, celle là. Je commence à avoir vraiment peur. Plus rien à faire qu’attendre, tous les bruits paraissent amplifiés, effrayants. J’ai cru entendre un rugissement. Incroyable ces craintes indicibles. C’était en fait la fermeture éclair de l’autre tente. Mais il y a ce que l’on sait et ce qu’on imagine. C’est pas pareil.
            Je suis entrée dans l’abri de toile. Même si j’avais décidé de rester dehors justement pour défier et vaincre un peu ça, cette peur qui ne sert à rien, parfois (à part à se torturer). J’ai commencé à entendre des craquements, des bruissements, des pas ; des bruits comme si quelqu’un nageait dans le lac. Tout près. Ca a été trop, je suis rentrée sous mon toit. Défense illusoire. S’il y avait eu des yeux je ne sais pas ce que j’aurai fait… peut être plonger dans la tente de sautres, là bas ; j’en sais rien. Enfin je pense être capable de me maitriser, quand même, mais bon, seule, parfois, … hum. C’est pas simple. Objectivement tous ces bruits dehors, c’est l’eau et le vent. Mais … comment faire ?
            Ma purée de pâtes est vraiment infâme. J’ai envie de dire immangeable mais je les ai mangées quand même.  Elles avaient l’air bonnes mais elles ont coagulé en une mixture baveuse… c’est un coup à se dégouter des pâtes à tout jamais ! Demain, je les cuits dans la soupe. Après tout, c’est des vermicelles.
            J’ai pris un thé SUCRE en dessert. Le luxe. J’entends les arbres craquer, des choses semblent tomber sur la tente. Les mulots courent le long des parois. Ils font de petits bonds, je les entends. Ils ont été trop timides pour se montrer quand j’ai regardé dans l’abside. Je croise les doigts pour qu’ils n’arrivent pas à sauter sur les sachets. Ce sont peut être des fins stratèges, ils pourraient grimper dans l’arbre, se laisser tomber sur un des sacs ou grignoter la ficelle et tout faire tomber … hm. Voui.
            Une sorte de grésillement se fait entendre sporadiquement. Surement un insecte qui glisse sur la toile. Ou alors les ongles d’une main griffue qui effleure le côté ciré… BON. Suffit. Je vais essayer de dormir.

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