dimanche 8 juillet 2012

Jour suivant.



                Refuge Cuernos. Il doit être à peu près 11h … on devrait avoir décollé depuis un moment mais bon, ce n’est pas grave. On ne s’en rend pas compte d’ailleurs. On  va essayer de rejoindre la cascade ou je m’étais rendue il y a … un an tout pile, moins quelques heures. Je me demande ce que je vais retrouver comme émotion en montant là haut. … Ce sera sans doute aussi mouillé,  peut être pas aussi désagréable que l’année dernière … surement pas aussi magique non plus. Il fait presque beau. Alternance de nuages, de cumulus sombres, de soleil et de bouts de ciel bleu .. on verra bien. On a pris le petit déj. dans le refuge, après avoir attendu 5min (ou 10, ou 15) qu’un dame finisse de nettoyer. L’aube était très belle. Les falaises sont vraiment impressionnantes. … on est coincé en dessous (2km de distance et presque la même chose de dénivelée !).  Une cascade rebondit comme un toboggan dans les barres rocheuses, … c’est là où je voulais monter l’année dernière. L’automne est moins avancé … enfin du moins moins.... coloré. Peut-être a-t-il déjà trop neigé. Allons y ….



                Nous sommes au dessus de ‘ma’ cascade. … C’est vraiment spécial de retrouver ces endroits. (‘Ah oui c’est là ou j’ai glissé, je suis tombée dans l’eau ici, il faudra passer par les buissons à droite sinon tu vas te retrouver à escalader des trucs douteux….) bizarre et drôle à la fois. On est monté plus haut, en passant dans … n’importe quoi : des broussailles, des arbres, des éboulis de cailloux entassé qu’il faut un peu escalader, Mathieu a perdu son micro qui a fait une chute bondissante de 15m dans les touffes… (il n’avait quasiment rien… ouf). 


         On est arrivé jusqu’au bas de la vraie grande cascade qui domine tout et donne naissance aux autres. Impressionnant mais dommage, le ciel est trop clair… et on ne voit pas assez loin au dessus. … Il devrait y avoir une autre cascade en forme d’entonnoir, vraiment belle, … mais elle est trop éloignée. Cachée par une falaise. On est dans les bonzaïs géants. C’est dommage qu’il manque la couleur rouge … mais leur forme est tout aussi folle. Les forêts sont jaunes, vertes, multicolores. Certains arbres sont morts, on utilise leurs branches comme prises d’escalade et elles cassent. … (maintenant on essaye de faire gaffe). On avait laissé les sacs posés quelque part là ou le micro avait tenté de s’enfuir, car monter avec devenait vraiment abstrait. On vient de redescendre les chercher en passant par un autre chemin complexe et glissant (dérapant). On les a repris pour remonter. … Je ne sais pas ce qu’il m’arrive, mais je manque à nouveau sérieusement d’énergie. Coup de barre… gelée. Evidemment en baskets dans l’eau ça n’arrange rien. Je vais rajouter un pull. L’ambiance est totalement opposée à l’année dernière. Je posais mon trépied et j’essayais de faire le plus vite possible, je trouvais ça magique, et en même temps j’avais peur de ce qu’il y avait autour, et de ce qui m’attendait pour la descente. … Alors que là, on a tout notre temps, c’est vraiment bizarre de pouvoir rester autant là. J’adore … sauf que je n’arrive pas à me réchauffer. C’est bête. Mathieu et Alexandre font des plans un peu au dessus dans les forêts de bonzaïs jaunes … ce doit être très beau. 





                Il est bientôt 15h… je suis entrain de progresser à travers des broussailles inextricables, avec des touffes de mousses posées sur de gros cailloux lisses, des arbres morts un peu lisses aussi, avec des trous dedans, d’étranges choses qui en sortent (pas vivantes je crois, heureusement). Je me dis que des animaux sont passés par là, des petits chemins louvoient entre les arbres… et moi, je suis une drôle de bête, beaucoup plus grosse et moins habile, qui n’arrive pas à passer. Qui reste coincée dans les branches à gesticuler. Et je transporte une bête encore plus bizarre… le cyclope, accroché au trépied de Manue, … qui reste coincée aussi … ce qui donne deux bestioles qui restent coincées accrochées l’une à l’autre, et là ça devient vraiment compliqué. … Mmh. Mais j’aime bien ces endroits et ces aventures bizarres. Même si c’est compliqué, vraiment dur, … j’adore ces moments où c’est vraiment compliqué, où l’on espère même pas de réelle récompense, rien de sensible, … une quête de l’inutile, un peu comme l’alpinisme. Mais il y a quand même la satisfaction d’avoir réussi quelque chose, de voir des choses vraiment belles … ou de s’être perdu dans un endroit intéressant. C’est spécial.
                J’essaye de descendre voir la cascade du dessous, les deux autres sont entrain de tourner au dessus. On domine le lac Pehoe de 400 ou 500m … surement 400. Je ne sais pas pourquoi j’ai l’impression de cette certitude, mais je pense que c’est 400. A certains endroits, des vagues rident la surface lointaine. Ici, nous sommes légèrement à l’abri. Peut être qu’en bas, les éléments se déchainent. … Au loin, un lac bleu azur s’étend. On aperçoit les crêtes blanches des vagues qui se découpent nettement sur le bleu profond.
                Je vais essayer de continuer à descendre. Alexandre est apparu dans mon champ… j’ai poussé un grognement digne d’un … euh … tyrannosaure enroué enlisé dans une crotte de chameau, par exemple. … c’était assez drôle mais il ne m’a même pas entendu ! Il est entrain de grimper en se servant de mon trépied comme bâton.

 
                13 avril … je viens de me souvenir qu’on est vendredi 13. 17h47. J’ai du mal à réaliser  que j’ai passé autant de temps à errer dans les contrées sauvages du dessus, entre cascades et forêts. Je ne m’en suis vraiment pas rendue compte. Alexandre et Mathieu sont redescendus à la 1ère cascade. J’ai perdu mon bouchon d’objectif, je suis allée le rechercher en descendant un bout de barre rocheuse … heureusement qu’il n’est pas tombé dans l’eau, sinon il aurait pu se retrouvé en bas. Il commence à y avoir du vent. Quand Mathieu et Alex étaient là, il y avait déjà 6 condors qui tournaient … maintenant que je suis seule, il y en a douze. Phénomène impressionnant, je me demandais ce qui allait se passer, ce manège tournoyant a commencé à m’intimider fortement. J’ai réussi à désescalader mon promontoire rocheux. Ce fut une descente compliquée… je suis restée accrochée partout, je viens d’enlever 5 brindille de mes sous-vêtements … enfin … bon. Je sens encore des feuilles se promener dans mes vêtements. Mais je verrais ça plus tard, j’ai envie de prendre des images de LA cascade … j’ai suivi la sente d’un animal (je ne pense pas que ce puisse être des chemins d’origine humaine ici) pendant un moment… Impression différente quand je suis seule qu’avec les autres … c’est … plus aventureux, ‘risqué’ . Les deux sont bien. Mais je commence à avoir envie e retrouver les autres. J’entends des bruits étranges parfois. Un moment, j’ai cru qu’il y avait un condor juste au dessus de ma tête. Je me suis retournée pour voir un élément volant plus petit disparaitre dans les bois…. Puis des roulements lointains … sans doutes les séracs qui dévalent d’invisibles falaises, loin au dessus.


                Prendre un buisson épineux comme prise d’escalade n’était pas une idée lumineuse.
               


             Le vendredi 13 ne peut rien contre ceux qui ne regardent pas les dates... quoique... J’ai erré longtemps sur mon promontoire plein de bonzaïs près des cascades. Avec les douze condors qui tournaient et jouaient avec le vent. J’ai aperçu un nid, un peu plus haut. L’ambiance a commencé à devenir étrange, seule là haut. Je suis descendue par les buissons, en m’accrochant partout ; les arbres voulaient me prendre mon bonnet (et mes cheveux ... hm). Les rochers glissants le sont vraiment devenus avec le vent et le trépied à la main. Les buissons piquants, les branches. Le gravier abstrait (plantage digne d’un surfeur qui a loupé sa vague ; ... heureusement l’appareil (cyclope) a survécu. J’ai retrouvé les autres à ‘’ma’’ cascade, après quelques essais à celle du dessus dans les dalles moussues. Mathieu filmait Alex sous le gros bonzaï vert.
 ‘’Est-ce que tu aurais vu... non, laisse tomber, non.
-Euh ... quoi ?’’
            Ah voilà. Alexandre a perdu son polarisant (qui s’est démonté) et la bague du porte filtre. Gnéé. Je suis remontée voir la ‘portion’ où ça devait être ; entre un arbre jaune et un arbre vert sur un caillou. Il commençait à faire sombre. J’ai ausculté les buissons épineux un moment dans les ténèbres touffues. Mais bon. C’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin (ou un moustique dans un essaim de mouches) (ou un cheveu dans ... bref.).



Je suis sure d’avoir entendu une voix. Un moment, j’ai cru que l’un des deux était monté et m’appelait. J’ai répondu, mais il n’y avait rien. Angoisse qui s’infiltre doucement à mesure que je m’enfonce dans les branchages sur la sente d’un animal inconnu. Un nouveau bruit. Presque humain. Grognement étrange. J’appelle, je fais du bruit. ... Rien. J’accélère ma descente alors que le vent se lève. ... Encore un son. Je commence à m’attendre à me trouver face à un puma à n’importe quel tournant. Les coups de vent extirpaient des appels dissonants de la végétation. Je rejoins les autres, enfin. Ils n’ont pas bougé. On descend ensemble dans la rivière de plus en plus obscure. Quelques glissades, détours, chutes de pierres, épines, mousse spongieuse.... Refuge. Il fait nuit. Purée, saucisse, soupe, vin, casserole cramée, le refuge ferme, on finit dans la tente. Nuit.


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