Il semblerait que l'on soit le 15 avril.
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On était dans une ville. Qui ressemblait beaucoup à Strasbourg, mais en plus
ancien…. Il fallait que l’on rachète tout le matériel qu’on avait perdu … tout
le groupe, Mathieu, Manue, Xavier, Alexandre. … on s’était réparti les tâches
pour acheter les différentes choses. Je devais racheter un bonnet à Alexandre,
et de la nourriture, … je me retrouvais avec pleins de trucs à aller chercher.
Alexandre disait qu’il aimait bien le bonnet, mais ce n’était pas celui là.
Il
fallait monter une échelle, passer une passerelle. … Plus dans la nature. //
Toujours pas de
souvenirs nets. Alexandre s’est beaucoup réveillé cette nuit, des mulots
grattaient, … il a mal à la gorge maintenant, comme Mathieu. Je suis sortie,
j’ai l’impression qu’il fait beau, bien que tout soit sombre. … Je vais quand
même me recoucher je crois, il fait vraiment froid. …
Mmh il me semble qu’on est toujours le 15 avril, il
fait 5°C dans la tente … ça va, hier c’était 0. La neige est un peu remontée, …
par contre nous on est toujours complètement trempés, limité dégoulinants… gore
tex mouillée, doudoune encore humide … pantalon trempé, chaussures imbibées …
le bonheur. Un mulot s’est introduit dans une poche de la veste d’Alexandre
dans laquelle il avait laissé un bout de chocolat offert par un randonneur et
qu’il avait précieusement conservé pour ce matin. Mais le mulot l’a trouvé
avant.
On va essayer de monter de monter dans la vallée del
Frances. Et moi j’essaye toujours de retrouver mon cache que j’ai réussi à
perdre dans la tente. On reviendra sans doute aussi mouillé qu’ hier (même si
j’espère que non !) … on verra…..
Il est 14h46. On se dirige toujours vers le camp
britannico mais je doute qu’on y arrive un jour. On vient de finir de manger…
du pain sec (et humide à la fois) avec du fromage du même type. Alexandre a
encore un bon camembert… moi j’ai encore mon reste de soi-disant parmesan. On a
partagé mes chips et demain, nada ! Plus rien. Et plus de sous non plus,
c’est gênant… il faudra voir si l’on peut payer par carte, parce que sinon on
va être bloqués quelque part, que ce soit pour prendre le bateau ou le bus.
On
s’arrête tous les … 100m. Sur deux heures de marche, on a peut être
avancé d’un kilomètre. On commence à surplomber un glacier, au pied d’une
montagne énorme qui nous domine de près de 3000m. Toujours ce visage qui
m’impressionne beaucoup. Un titan fâché. … J’ai remarqué depuis peu qu’il a
également des cornes qui émergent du brouillard de temps à autre. On dirait qu’il
cligne des yeux, avec les avalanches. Des grondements terrifiants se succèdent.
La forêt est très belle, de petits arbres aux belles
formes multicolores…. Mathieu et Alexandre ont fait pas mal de plans. … On est
arrivé à une cascade où j’ai manqué de faire une glissade de 10 mètres et
d’atterir dedans (comme d’habitude… rien ne change). On a vu des condors
toujours aussi impressionnants … mais beaucoup trop loin. Dommage. D’un côté,
ils sont effrayants, de très près, aussi. A gauche, le long d’une paroi une
belle cascade étend ses rebonds, surmontée par une succession de plaques
luisantes de verglas et de stalactites glacés. Des pointes plâtrées de glace
émergent des nuages.
Ce
matin Alexandre a demandé si ça déguelait par là et la montagne lui a répondu
en crachant un énorme sérac qui s’est écrasé des centaines de mètres plus bas
dans un vacarme grondant particulièrement puissant. C’était drôle.
Communication abstraite entre l’homme et les éléments. On monte une pente raide dans une ancienne moraine à présente recouverte de terre. Toujours
dans ces arbres couverts de lichen et de mousse, de champignons et de baies
rouges.
16h07… on a fait 500m en plus. Moi je les ai même
fait deux fois car je suis retournée chercher à l’endroit où l’on a mangé mon couteau
qu’Alexandre avait utilisé pour couper son camembert… et laissé trainer sur un
caillou après. Hum … On est resté un moment là. J’essaye des poses louches avec
une mise au point un peu aléatoire … enfin pas vraiment, mais sur un sujet qui
ne semble pas être le principal. J’aime bien ce que ça donne… les flous bizarre
partout. C’est la première fois que j’expérimente ce type d’images, je suis
tombée sur ce rendu au pif en prenant des photos à travers de feuilles … La
forêt est vraiment folle, partout, des bonzaïs de toutes les couleurs, avec
plusieurs teintes sur la même branche… du vert avec des points jaunes, des
grands, des petits, des morceaux de mousses et lichens divers… des touffes
parfois piquantes vert sombre en dessous… ou des parcelles d’herbe et de mousse
spongieuse. … Je suis montée dans quelques arbres pour faire des photos. J’ai
toujours l’impression que tout peut s’écrouler, les branches vivantes tiennent
bien, mais les branches mortes … incroyable, même avec une épaisseur
conséquente, rien ne tient. J’espérais que ça ne s’effondrerait pas sous moi,
plusieurs fois j’étais postée entre les deux. Ça a tenu.
Nous marchons sur la moraine. En dessous de nous,
d’un côté, le glacier, les séracs dans une sombre, la tempête qui arrive. Les
nuées qui ne quittent jamais les sommets déchiquetés. Les avalanches qui
dégringolent, toujours prêtes à happer quiconque oserait les braver…elles
dévalent la montagne dans l’espoir de nous engloutir, mais elles ne peuvent pas
vu qu’on est au dessus des parties glacées. Le bruit continu du torrent d’un
côté, … la rivière de l’autre. Du vent dans les branches. On approche d’un
nouveau torrent qui fait entendre sa voix grondante. La montagne de plus de
3000m se rapproche lentement, avec sa glace bleue qui craque. Un endroit laisse
apparaitre des pics gelés monstrueux A droite, les Cuernos bicolores s’élancent. Des fissurent
déchiquettent les parois. Ce doit être un géant qui a tenté de frapper avec un
burin là-dessus.
On a pas mal d’images de bêtiser, avec Alexandre qui
se casse la figure monumentalement dans les touffes avec l’appareil en main,
qui balance ses sacoches… ou moi qui prend des photos n’importe comment depuis
le sommet d’un arbre en exhibant sans faire exprès un des trous de mon
pantalon. Il doit y avoir des photos vraiment bizarres. J’ai 4 bâtons en main.
Des arbres morts sans branches se tendent de tout leur être réduit à néant dans
une chorégraphie verticale blanchie par le temps.
Je repense étrangement au deuxième soir au refuge
Cuernos, où Alexandre avait émis la possibilité que j’encadre un stage avec lui
ici. Ce qui serait vraiment génial ! Je repensais à ça, et aussi qu’au
problème principal soit que je n’aie pas le permis … donc il faudrait que je le
passe, en fait … ce serait vraiment bien. Je me demande en combien de temps ça
se passe. Il faut aussi et surtout que je passe mon brevet de secourisme, et
que je pense à ce que je pourrais dire si je devais faire une conférence pour
le CAF. (Club alpin) … oulà ce torrent est vraiment violent ! Tiens, un
tronc d’arbre où c’est indiqué ‘danger’. Inattendu. Surtout que ce soit écrit
en français.
Monsieur dictaphone en a marre de moi… il a décidé
de prendre des vacances sur un sentier caillouteux…. Et a plongé de ma poche.
Je m’en suis rendue compte assez vite, heureusement. Ce serait bête de perdre
tout ce qu’il y a là dedans … !
Près de 18h … on est entrain de revenir. On a réussi
à une journée, à faire l’exploit de parcourir la moitié du trajet vers le camp
britannico. C'est-à-dire la moitié de 3h de marche, en 7h. On s’est encore
arrêté au mirador frances. Le point de vue est fantasmagorique sur le cirque de
monstres de pierre. De l’autre côté, le lago pehoe et ses nuances de bleu
parfois éclairées par le soleil. Des couleurs vives dans les arbres, forêt
rouge au fond parfois illuminée sous des nuages obscurs. Au dessus, des
trainées de pluie sombre, et une lueur qui filtrait par en dessous devant les
monts fantomatiques. Ce paysage fascinant vu depuis notre forêt orangée,
parsemée de mousse et de coraux orange ou blancs pétrifiés entre des monceaux
de lichen vert qui auraient pu ressembler à
de la salade. De petites feuilles blanches sortaient du sol. On n’a pas
fini du tout, on aurait eu besoin de .. peut être 3-4 jours pour réussir à parcourir
cette vallée. Mais là on rentre quand même car .. il va faire nuit (comme
d’habitude)… et comme à notre habitude, on n’a pas de frontale. Ils ont encore
prévu des plans vidéos dans le camping (qu’on ne verra pas)… on risque aussi de
se planter, de trouver un puma encordé à un nandou qui va nous demander son
chemin pour camper ailleurs qu’à Britannico. … C'est-à-dire qu’en fait, il faut
qu’on y aille, … pas besoin de l’explique mieux que ça. Je suis entrain de
marcher dans un type de marre de boue… ça s’enfonce ! Ce n’est pas tout à
fait aussi pire que les micro-organismes vaseux mais ça s’en approche. Ces
micro-organismes vont devenir ma référence en matière de choses spongieuses et
glissantes. Le chemin serpente le long d’une partie de la moraine (partie parce
qu’étrangement, un large torrent bleu sépare deux morceaux de moraine). C’est
raide, il y a de très gros arbres. Le chemin passe dans les racines, les
rochers, les dalles lisses et noires parfois (un peu comme de l’ardoise, polie
par le glacier). Des troncs bordent le chemin, quand ils ne se sont pas
écroulés avec les roches de la moraine. Mmh… je vais ranger ce dictaphone,
sinon je vais encore réussir à l’échapper, le perdre, il va glisser jusqu’au
torrent et je le retrouverai peut être dans le lac Pehoe (encore que non, car
je n’ai toujours par accroché de balise rose fluo aux objets que je suis
susceptible de perdre...dommage hein !)
En tout cas, c’était quand même une journée
fantastique, même si moi… je n’ai plus d’énergie, je sens quelque chose dans la
gorge et j’ai très froid (malgré la chemise arc’téryx, la doudoune et la
gore-tex)… et je rêve … d’une pizza.
On est au camp. On a pris très peu de temps pour le
retour, malgré la journée pour l’aller ! On est passé par un chemin
expérimental, je ne me souvenais pas que c’était aussi pire … un ruisseau sur
le chemin, des rochers partout, un peu glissant … mais on est revenus. Mathieu
a donc filmé Alexandre entrain d’aller chercher de l’eau, d’allumer mon réchaud
sous ma casserole …et d’expliquer qu’on était fatigués en arrivant mais qu’il
faut quand même s’occuper de ce qu’il y a à faire, etc etc. Et puis là, ils
sont encore entrain de parler de je ne sais quoi … je m’impatiente un peu… je
sais bien, c’est le film sur Alexandre…( je suie entrain de ramasser les
sachets que les mulots ont emporté hier soir… ils ont mangé le sachet en
aluminium du parmesan c’est fou quand même !) … et non pas sur ceux qui
l’accompagnent, qui font aussi à manger et prêtent le réchaud et la tente pour
les tournages, ou l’isolant pour s’asseoir dessus, ou le trépied d’ailleurs
(tant qu’on y est). Mais bon là, je suis un peu malade, j’ai mal à la gorge…
évidemment, j’ai bu dans la même gourde que Mathieu et qu’Alexandre… et je suis
arrivée trempée hier soir. Logique. Et là je suis entrain de faire la soupe
pour tout le monde…… On devrait faire un documentaire sur la place féminine
dans la société de campeurs. J’ai super faim.
Hier les mulots ont dévoré nos denrées déjà
utilisées … : les sachets de sauce, de parmesan (qui est parti tout seul
quand Alexandre a regardé dans l’abside), … impressionnant. Alors … 5 à 7
minutes en remuant de temps en temps … allons-y ! C’est partiii… il ne
fait même pas encore nuit. Et je n’ai toujours pas de tasse, et rien d’autre
pour manger à part le petit gobelet du jus de mangue. D’ailleurs je devrais
peut être en prendre du jus de mangue, tiens. Mince ça fait des grumeaux… c’est
bizarre ces soupes … on les dilue bien, et elles font quand même des grumeaux,
mais après. Je suis entrain de remuer avec une fourchette qu’Alexandre a trouvé
par terre sur notre emplacement. Heureusement qu’il l’a remarqué, sinon j’aurai
pu décompter un trou de plus dans le plancher de ma tente. On l’a nettoyée
... puis plantée dans un arbre (normal).
Il ne pleut plus (ce qui est déjà une grande nouvelle). En revanche le vent
s’est levé, et fait tomber des gouttes cachées dans les feuilles. … Comme je
suis patraque … bof. Enfin je vais survivre … et puis on rentre demain en plus
…. Enfin on rentre… à Puerto Natales. Programme : bateau au refuge Paine
Grande à midi trente (9 000$ qu’on ne sait pas comment payer … c’est
malin). J’aimerai bien être par là bas pour le lever de soleil, mais ça me
semble vraiment dur. En plus il faudrait être plus loin pour bien voir la
lumière. Puis bus. Puis Puerto.
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