mardi 10 juillet 2012

Il semblerait que l'on soit le 15 avril.

                // On était dans une ville. Qui ressemblait beaucoup à Strasbourg, mais en plus ancien…. Il fallait que l’on rachète tout le matériel qu’on avait perdu … tout le groupe, Mathieu, Manue, Xavier, Alexandre. … on s’était réparti les tâches pour acheter les différentes choses. Je devais racheter un bonnet à Alexandre, et de la nourriture, … je me retrouvais avec pleins de trucs à aller chercher. Alexandre disait qu’il aimait bien le bonnet, mais ce n’était pas celui là.

                Il fallait monter une échelle, passer une passerelle. … Plus dans la nature. //

                Toujours pas de souvenirs nets. Alexandre s’est beaucoup réveillé cette nuit, des mulots grattaient, … il a mal à la gorge maintenant, comme Mathieu. Je suis sortie, j’ai l’impression qu’il fait beau, bien que tout soit sombre. … Je vais quand même me recoucher je crois, il fait vraiment froid. …
               
Mmh il me semble qu’on est toujours le 15 avril, il fait 5°C dans la tente … ça va, hier c’était 0. La neige est un peu remontée, … par contre nous on est toujours complètement trempés, limité dégoulinants… gore tex mouillée, doudoune encore humide … pantalon trempé, chaussures imbibées … le bonheur. Un mulot s’est introduit dans une poche de la veste d’Alexandre dans laquelle il avait laissé un bout de chocolat offert par un randonneur et qu’il avait précieusement conservé pour ce matin. Mais le mulot l’a trouvé avant.
On va essayer de monter de monter dans la vallée del Frances. Et moi j’essaye toujours de retrouver mon cache que j’ai réussi à perdre dans la tente. On reviendra sans doute aussi mouillé qu’ hier (même si j’espère que non !) … on verra…..




 
Il est 14h46. On se dirige toujours vers le camp britannico mais je doute qu’on y arrive un jour. On vient de finir de manger… du pain sec (et humide à la fois) avec du fromage du même type. Alexandre a encore un bon camembert… moi j’ai encore mon reste de soi-disant parmesan. On a partagé mes chips et demain, nada ! Plus rien. Et plus de sous non plus, c’est gênant… il faudra voir si l’on peut payer par carte, parce que sinon on va être bloqués quelque part, que ce soit pour prendre le bateau ou le bus.



On s’arrête tous les … 100m. Sur deux heures de marche, on a peut être avancé d’un kilomètre. On commence à surplomber un glacier, au pied d’une montagne énorme qui nous domine de près de 3000m. Toujours ce visage qui m’impressionne beaucoup. Un titan fâché. … J’ai remarqué depuis peu qu’il a également des cornes qui émergent du brouillard de temps à autre. On dirait qu’il cligne des yeux, avec les avalanches. Des grondements terrifiants se succèdent.

 
La forêt est très belle, de petits arbres aux belles formes multicolores…. Mathieu et Alexandre ont fait pas mal de plans. … On est arrivé à une cascade où j’ai manqué de faire une glissade de 10 mètres et d’atterir dedans (comme d’habitude… rien ne change). On a vu des condors toujours aussi impressionnants … mais beaucoup trop loin. Dommage. D’un côté, ils sont effrayants, de très près, aussi. A gauche, le long d’une paroi une belle cascade étend ses rebonds, surmontée par une succession de plaques luisantes de verglas et de stalactites glacés. Des pointes plâtrées de glace émergent des nuages.
                Ce matin Alexandre a demandé si ça déguelait par là et la montagne lui a répondu en crachant un énorme sérac qui s’est écrasé des centaines de mètres plus bas dans un vacarme grondant particulièrement puissant. C’était drôle. Communication abstraite entre l’homme et les éléments. On monte une pente raide dans une ancienne moraine à présente recouverte de terre. Toujours dans ces arbres couverts de lichen et de mousse, de champignons et de baies rouges.




16h07… on a fait 500m en plus. Moi je les ai même fait deux fois car je suis retournée chercher à l’endroit où l’on a mangé mon couteau qu’Alexandre avait utilisé pour couper son camembert… et laissé trainer sur un caillou après. Hum … On est resté un moment là. J’essaye des poses louches avec une mise au point un peu aléatoire … enfin pas vraiment, mais sur un sujet qui ne semble pas être le principal. J’aime bien ce que ça donne… les flous bizarre partout. C’est la première fois que j’expérimente ce type d’images, je suis tombée sur ce rendu au pif en prenant des photos à travers de feuilles … La forêt est vraiment folle, partout, des bonzaïs de toutes les couleurs, avec plusieurs teintes sur la même branche… du vert avec des points jaunes, des grands, des petits, des morceaux de mousses et lichens divers… des touffes parfois piquantes vert sombre en dessous… ou des parcelles d’herbe et de mousse spongieuse. … Je suis montée dans quelques arbres pour faire des photos. J’ai toujours l’impression que tout peut s’écrouler, les branches vivantes tiennent bien, mais les branches mortes … incroyable, même avec une épaisseur conséquente, rien ne tient. J’espérais que ça ne s’effondrerait pas sous moi, plusieurs fois j’étais postée entre les deux. Ça a tenu. 




Nous marchons sur la moraine. En dessous de nous, d’un côté, le glacier, les séracs dans une sombre, la tempête qui arrive. Les nuées qui ne quittent jamais les sommets déchiquetés. Les avalanches qui dégringolent, toujours prêtes à happer quiconque oserait les braver…elles dévalent la montagne dans l’espoir de nous engloutir, mais elles ne peuvent pas vu qu’on est au dessus des parties glacées. Le bruit continu du torrent d’un côté, … la rivière de l’autre. Du vent dans les branches. On approche d’un nouveau torrent qui fait entendre sa voix grondante. La montagne de plus de 3000m se rapproche lentement, avec sa glace bleue qui craque. Un endroit laisse apparaitre des pics gelés monstrueux A droite, les Cuernos  bicolores s’élancent. Des fissurent déchiquettent les parois. Ce doit être un géant qui a tenté de frapper avec un burin là-dessus.
On a pas mal d’images de bêtiser, avec Alexandre qui se casse la figure monumentalement dans les touffes avec l’appareil en main, qui balance ses sacoches… ou moi qui prend des photos n’importe comment depuis le sommet d’un arbre en exhibant sans faire exprès un des trous de mon pantalon. Il doit y avoir des photos vraiment bizarres. J’ai 4 bâtons en main. Des arbres morts sans branches se tendent de tout leur être réduit à néant dans une chorégraphie verticale blanchie par le temps.

Je repense étrangement au deuxième soir au refuge Cuernos, où Alexandre avait émis la possibilité que j’encadre un stage avec lui ici. Ce qui serait vraiment génial ! Je repensais à ça, et aussi qu’au problème principal soit que je n’aie pas le permis … donc il faudrait que je le passe, en fait … ce serait vraiment bien. Je me demande en combien de temps ça se passe. Il faut aussi et surtout que je passe mon brevet de secourisme, et que je pense à ce que je pourrais dire si je devais faire une conférence pour le CAF. (Club alpin) … oulà ce torrent est vraiment violent ! Tiens, un tronc d’arbre où c’est indiqué ‘danger’. Inattendu. Surtout que ce soit écrit en français.

Monsieur dictaphone en a marre de moi… il a décidé de prendre des vacances sur un sentier caillouteux…. Et a plongé de ma poche. Je m’en suis rendue compte assez vite, heureusement. Ce serait bête de perdre tout ce qu’il y a là dedans … !



 
Près de 18h … on est entrain de revenir. On a réussi à une journée, à faire l’exploit de parcourir la moitié du trajet vers le camp britannico. C'est-à-dire la moitié de 3h de marche, en 7h. On s’est encore arrêté au mirador frances. Le point de vue est fantasmagorique sur le cirque de monstres de pierre. De l’autre côté, le lago pehoe et ses nuances de bleu parfois éclairées par le soleil. Des couleurs vives dans les arbres, forêt rouge au fond parfois illuminée sous des nuages obscurs. Au dessus, des trainées de pluie sombre, et une lueur qui filtrait par en dessous devant les monts fantomatiques. Ce paysage fascinant vu depuis notre forêt orangée, parsemée de mousse et de coraux orange ou blancs pétrifiés entre des monceaux de lichen vert qui auraient pu ressembler à  de la salade. De petites feuilles blanches sortaient du sol. On n’a pas fini du tout, on aurait eu besoin de .. peut être 3-4 jours pour réussir à parcourir cette vallée. Mais là on rentre quand même car .. il va faire nuit (comme d’habitude)… et comme à notre habitude, on n’a pas de frontale. Ils ont encore prévu des plans vidéos dans le camping (qu’on ne verra pas)… on risque aussi de se planter, de trouver un puma encordé à un nandou qui va nous demander son chemin pour camper ailleurs qu’à Britannico. … C'est-à-dire qu’en fait, il faut qu’on y aille, … pas besoin de l’explique mieux que ça. Je suis entrain de marcher dans un type de marre de boue… ça s’enfonce ! Ce n’est pas tout à fait aussi pire que les micro-organismes vaseux mais ça s’en approche. Ces micro-organismes vont devenir ma référence en matière de choses spongieuses et glissantes. Le chemin serpente le long d’une partie de la moraine (partie parce qu’étrangement, un large torrent bleu sépare deux morceaux de moraine). C’est raide, il y a de très gros arbres. Le chemin passe dans les racines, les rochers, les dalles lisses et noires parfois (un peu comme de l’ardoise, polie par le glacier). Des troncs bordent le chemin, quand ils ne se sont pas écroulés avec les roches de la moraine. Mmh… je vais ranger ce dictaphone, sinon je vais encore réussir à l’échapper, le perdre, il va glisser jusqu’au torrent et je le retrouverai peut être dans le lac Pehoe (encore que non, car je n’ai toujours par accroché de balise rose fluo aux objets que je suis susceptible de perdre...dommage hein !)
En tout cas, c’était quand même une journée fantastique, même si moi… je n’ai plus d’énergie, je sens quelque chose dans la gorge et j’ai très froid (malgré la chemise arc’téryx, la doudoune et la gore-tex)… et je rêve … d’une pizza.

On est au camp. On a pris très peu de temps pour le retour, malgré la journée pour l’aller ! On est passé par un chemin expérimental, je ne me souvenais pas que c’était aussi pire … un ruisseau sur le chemin, des rochers partout, un peu glissant … mais on est revenus. Mathieu a donc filmé Alexandre entrain d’aller chercher de l’eau, d’allumer mon réchaud sous ma casserole …et d’expliquer qu’on était fatigués en arrivant mais qu’il faut quand même s’occuper de ce qu’il y a à faire, etc etc. Et puis là, ils sont encore entrain de parler de je ne sais quoi … je m’impatiente un peu… je sais bien, c’est le film sur Alexandre…( je suie entrain de ramasser les sachets que les mulots ont emporté hier soir… ils ont mangé le sachet en aluminium du parmesan c’est fou quand même !) … et non pas sur ceux qui l’accompagnent, qui font aussi à manger et prêtent le réchaud et la tente pour les tournages, ou l’isolant pour s’asseoir dessus, ou le trépied d’ailleurs (tant qu’on y est). Mais bon là, je suis un peu malade, j’ai mal à la gorge… évidemment, j’ai bu dans la même gourde que Mathieu et qu’Alexandre… et je suis arrivée trempée hier soir. Logique. Et là je suis entrain de faire la soupe pour tout le monde…… On devrait faire un documentaire sur la place féminine dans la société de campeurs. J’ai super faim.
Hier les mulots ont dévoré nos denrées déjà utilisées … : les sachets de sauce, de parmesan (qui est parti tout seul quand Alexandre a regardé dans l’abside), … impressionnant. Alors … 5 à 7 minutes en remuant de temps en temps … allons-y ! C’est partiii… il ne fait même pas encore nuit. Et je n’ai toujours pas de tasse, et rien d’autre pour manger à part le petit gobelet du jus de mangue. D’ailleurs je devrais peut être en prendre du jus de mangue, tiens. Mince ça fait des grumeaux… c’est bizarre ces soupes … on les dilue bien, et elles font quand même des grumeaux, mais après. Je suis entrain de remuer avec une fourchette qu’Alexandre a trouvé par terre sur notre emplacement. Heureusement qu’il l’a remarqué, sinon j’aurai pu décompter un trou de plus dans le plancher de ma tente. On l’a nettoyée ...  puis plantée dans un arbre (normal). Il ne pleut plus (ce qui est déjà une grande nouvelle). En revanche le vent s’est levé, et fait tomber des gouttes cachées dans les feuilles. … Comme je suis patraque … bof. Enfin je vais survivre … et puis on rentre demain en plus …. Enfin on rentre… à Puerto Natales. Programme : bateau au refuge Paine Grande à midi trente (9 000$ qu’on ne sait pas comment payer … c’est malin). J’aimerai bien être par là bas pour le lever de soleil, mais ça me semble vraiment dur. En plus il faudrait être plus loin pour bien voir la lumière. Puis bus. Puis Puerto.

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