La Patagonie... Sud de l'Amérique du Sud. C'est déjà tout un périple d'y arriver. Ensuite, au milieu des trajets en bus, taxi... dans une désorganisation frappante, on a réussi à faire un peu de marche.
Cartographie et aperçu du programme ...:
• 8/04/2011 : 18h05-20h25 vol Strasbourg - Madrid (1)
• 9/04/2011 : 00h20-7h50 (+5h de décalage horaire) vol Madrid - Santiago (2) et 19h00-22h30 vol Santiago - Punta Arenas
• 10/04/2011 : 8h30-12h00 bus Punta Arenas - Puerto Natales (3)
16h30 bus Puerto Natales - Parc Naturel Torres del Paine (3')
18h30 - 20h environ entrée du parc - Camp Las Carretas
• 10, 11, 12, 13 et 14 avril : circuit en W et variantes dans le parc (A)
• 14/04 : 14h00-17h00 bus Hôtel Las Torres - Puerto Natales (7)
• 15/04 : 8h00-13h00 bus Puerto Natales - El Calafate (8)
18h30-22h00 bus El Calafate - El Chalten (8')
•16, 17, 18 et 19 avril : trek au dessus d'El Chalten (B)
• 19/04 : 18h00-21h30 bus El Chalten - El Calafate (12)
• 20/04 : 3h00-7h30 bus El Calafate - Rio Gallero (13)
13h00-18h00 bus Rio Gallego - Punta Arenas (13')
• 21/04 : 6h10 - 10h45 vol Punta Arenas - Santiago du Chili
12h05-7h00 (-5h de décalage horaire) vol Santiago - Madrid
• 22/04 : 15h30-17h00 vol Madrid - Strasbourg
''A'' : trek dans le parc :
• 10/04 : entrée du parc - Campamento Las Carretas (3)
• 11/04 : Campamento Las Carretas - Campamento Italiano (4)
• 12/04 : Campamento Italiano - Refuge Cuernos (5)
• 13/04 : Refuge Cuernos - Campamento Chileno (6)
• 14/04 : Campamento Chileno - Mirador Las Torres - Hostel Las Torres (7) (14h, bus pour Puerto Natales)
''B'' : au dessus d'El Chalten :
• 16/04 : El Chalten - Chorillo del Salto - Laguna del Pato (9)
• 17/04 : Laguna del Pato - Campamento Rio Blanco (10)
• 18/04 : Campamento Rio Blanco - Laguna Madre y Laguna Hija - Laguna Torre - Campo Agostini (11)
• 19/04 : Campamento Agostini - Laguna Torre - El Chalten (12) (bus à 18h pour El Calafate)
8 avril.
L'aéroport de
Strasbourg. Tout petit (heureusement). Toujours cette sorte d'angoisse
grandissante à l'idée de prendre l'avion. J'ai l'impression que c'est une
espèce de loterie ou je mise ma vie. Je ne sais pas exactement. C'est un
sentiment très désagréable; même si, objectivement, je sais qu'il y a quelque
chose comme 0.0035 pour 100 millions de "chances" d'y passer. Mais
bon, on ne décide pas de ses craintes il me semble.
L’avion
à (bien sûr) 45 min de retard. Je crois que j’ai failli avoir quelque chose
comme 5 crises cardiaques mais (encore heureux) j’ai survécu. Distraction du
jour : s’occuper de trois gamins franco-espagnols ; qui évidemment,
me parlent en espagnol (hum). Il y en a un qui se pose des questions étranges
(il ne peut pas y avoir 2 ciels, pourtant nous on voit un ciel et depuis la
lune on voit aussi un ciel, et c’est pas le même vu qu'on est sortis de notre
ciel ; … ; Les états unis, ils croient qu'ils sont au milieu du monde
mais c’est pas vrai, c’est nous au milieu non ? J’ai vu sur la carte …) Il
me rassure en me disant que les gilets de sauvetage sont plus utiles que les
parachutes parce que l’eau est profonde, en dessous de l’avion …. (Sauf
qu'entre Strasbourg et Madrid, il n’y a pas vraiment d’eau …. Hm … Enfin bon,
passons).
Enfin
arrivés. Entiers. C’est tout de même beau tout ces paysages que l’on survole je
trouve... Je prendrais presque goût à l’avion. S’il n’y avait pas cette
impression de ne rien maîtriser qui me tend, bien sûr.
Madrid.
Il fait nuit, dehors tout parait sec, desséché. L’aéroport est ENORME. J’arrive
à un panneau : puerta S > 24min … temps de marche jusqu’au terminal
S ? C’est pire que les chemins de randos!
C’est assez interminable. Je voudrais attendre
Alexandre et Cyril avant d’entamer ce périple mais je ne sais pas ou ils vont
débarquer. Bon.
Un
train dans l’aéroport ! Jamais vu ça. Je suis un peu perdue, c’est trop
bruyant, ou trop vide selon les endroits. J’arrive enfin au bon terminal. Reste
plus qu’à attendre.
Une
heure plus tard environ l’équipe est au complet. Je suis un peu moins paumée et
rassurée. C’est pas mal ! On change un peu d’argent (en dollars et pesos
chiliens) ; se rendant compte par la même occasion qu’on a un dictionnaire
espagnol (oui oui, un dico … sans traductions) et un ‘lexique’
français-espagnol classé par thèmes…. Et donc pas de ‘dictionnaire
français-espagnol’ … dommage ! Aha.
Embarquement
vers minuit, on est encore en forme je crois.
L’avion
est beaucoup plus grand. On est en plein milieu, donc on ne voit rien. D’un
côté c’est normal, il fait nuit. Une nuit assez terrible.
9 avril.
Ça commence mal. Deux gamins braillards mettent l’ambiance trois rangées devant
nous. Pas moyen de dormir. (Sauf Cyril qui s’endort en parlant ;
étrange !)
13h
d’avion = 1h de sommeil = pas assez. Peut être sera-t-on assez KO pour
s’habituer rapidement au décalage horaire ? (En fait, non.)
A
Santiago, bordel complet. Passage de douane dans l’aéroport. On doit récupérer
les sacs qui devaient directement aller à Punta Arenas. On se fait harceler par
des taxis alors qu’on en a pas besoin… je ne comprends presque plus rien.
Dans
l’avion il semblait faire beau, mais il y a une sorte de mer de nuages (qui
ressemblait fortement à un lac, vue du dessus) collée par terre et un brouillard
louche grisâtre stagne dehors.
Dix
heures d’attente dans l’aéroport. On se débarrasse de nos bagages (je crois
qu’on réussi à faire ouvrir un guichet exprès pour nos trois gros sacs).
L’hôtesse renifle le passeport de Cyril, qui sent une ''herbe particulière'',
selon ce qu’on comprend … Étrange ! On se demande s'ils vont fouiller nos sacs ou quoi... mais on n'a pas envie de rester là, tant pis!
On
sort, des arbres inconnus, une espèce de climat tropical humide et pollué avec
un vent froid nous accueillent. Bôf. Du cou, on passe le reste de la journée,
mous et amorphes, à attendre dans l’aéroport en échafaudant des projets rêveurs
et abstraits sur des énormes cartes dépliées sur les tables minuscules à notre
disposition.
Deux
heures plus tard, on est à nouveau assaillis par les taxis mais c’est plus
ordonné ; on réussi à se faire conduire à une auberge pour 4000 pesos
chacun (je ne comprends rien, j’ai l’impression que le sandwich est la valeur
de référence dans ce pays : à midi, 5000 pesos le sandwich, le taxi 4000 ,
la nuit à l’auberge et le petit déj … 7000)
23h
.. Tout va bien … si si … on traine, douche, wifi … On se couche vers
minuit-une heure (5-6h en France … mh).
10 avril.
Réveil
à 6h30, petit déj, on cherche un bus pour 8h00, on se paume un peu, il
pleut ; on court avec les gros sacs.
Le
bus qu’on voulait prendre… n’existe pas (ou alors on n’est pas au bon endroit).
Bus à 8h30 pour Puerto Natales (et donc pas Torres del Paine comme on l’aurait
voulu).
Forêts
étranges et magnifiques ; mélanges de couleur automnales dans des arbres
fantomatiques d’où pendent des stalactites de lichen blanc. Le premier trajet
en bus est déjà frustrant, donc. Malheureusement c’est un bus, on ne peut pas
crier n’importe quand et n’importe comment « STOP ! c’est bien là,
c’est complètement fou, il faut qu’on s’arête prendre des photos ! »
.. non, ça ne va pas.
Il
y a de oiseaux bizarres, des moutons tout ronds ; .. Alexandre croit bien
voir une autruche (et une girafe, aussi … mmh). Il y a aussi des bouts de
bestioles à moitié mangés et écrasés qui trainent sur la route bétonnée. (Un
chien saute alors devant le bus en aboyant sauvagement… le conducteur ne
ralenti même pas. Je sens tout mes muscles se crisper ; la bêbête est
passée en dessous … et se remet à nous courir après en sautant et aboyant
toujours aussi fort … euh je crois avoir identifié l’espèce à l’origine de ces
morceaux de chair … ça me dégoûte un peu, et en même temps je me dit que si
tous les chiens agissent comme ça ici, c’est vraiment qu’ils sont suicidaires.)
Arrivés
à Puerto Natales, on ne voit rien (notion récurrente) c’est tout gris humide.
La ville touristique ressemble à un petit village de pêcheurs. Un ponton avec
un oiseau sur chaque ‘piquet’ attire notre attention. … Pas de bus par contre.
On hésite à faire du stop … Ce qui n’est pas pratique à trois avec des sacs
énormes.
On
fini par tomber sur une agence (''nous parlons français''... héhé) où un
bus part à 16h30 pour l’entrée ‘administration’ du parc Torres del Paine.
Repas
dans un restaurant avec une barque devant. Je me rends compte que mon billet de
100$ est inutilisable … youpiii ! Dehors tout est désert, fermé, à moitié
mort. On retourne au ponton avec les oiseaux, il y a une station d’essence en
face où on pourra remplir la bouteille du réchaud. Il y a aussi des belges
sympathiques qui nous donnent « quelques » provisions, des infos, et
des tickets d’entrée au parc. On fait les courses au supermarché… c’est parti,
go !
Des
forêts rouges, des cascades de partout (WAAAHHOU) on s’excite déjà un peu dans
le ‘bus’ (voiture 7 places environ) alors que c’est tout bouché. Le conducteur
chilien, chevelu, n’est pas très expansif (du tout).
On
arrive, il recommence à pleuvoir... hé oui, la Patagonie en avril … mmh. On se
perd 50 mètres environ après le départ, mais, en continuant dans les
broussailles, on retrouve le chemin. Cyril marche vite et j’ai du mal à suivre.
Je crois qu’on commence déjà à se rendre compte que les sacs sont trop lourds.
Progression dans une sorte d’immensité jaune ou blanche selon le sens où on la
contemple. Chevaux sauvages. Arbres pétrifiés. Un autre monde.
Camp
‘’Las Carretas’’ en 1h20 (au lieu de 2) ; il fait environ nuit. On mange
du risotto aux tomates, les flammes du réchaud s’élèvent à au moins 50cm de
haut et manquent de peu de mettre feu à la tente. Il n’y a pas âme qui vive,
juste une autre tente, un peu camouflée, et rien ne remue (à part le vent,
parfois). Enfin seuls… Mais je ne réalise pas du tout ou l’on est. D’autant
plus qu’on ne voit rien autour.
On
se blotti dans nos sacs en essayant de trouver une organisation potable pour
faire en sorte que les appareils photo rentrent, que personne n’ait la tête
dans les chaussures, et accessoirement, que les pieds de Cyril ne dépassent
pas. Le géant veut propose d’ailleurs une soirée animée à lire des poésies mais
… j’ai sommeil ! Normal il me semble, cela fait presque 48h que je n’ai
pas dormi...!
11 avril.
Il
se passe quelque chose. Le ciel est un peu dégagé ; de gros nuages
trainent tout de même. J’essaye de grimper sur une sorte de colline derrière le
camp mais je n’y arrive pas, il y a trop de buissons piquants. Je deviens un
peu folle, on voit des bouts de montagne qui s’éclairent fantômatiquement … (il
faut monter !)
Suite
à un cheminement complexe et douloureux à travers (c'est-à-dire dessus, dessous
et dans) les arbustes, on (Alexandre et moi) émerge au sommet d’un monticule.
Pour en découvrir un autre derrière, masquant les trois quart des Tours.
Mais
la vue, le morceau que l’on voit est fantasmagorique ; on est entrain de ‘louper’
un lever de soleil dément. Les Cuernos et Torres del Paine illuminés en orange
à travers des lambeaux de nuages qui s’effilochent, … On prend des photos
relativement nulles avec deux buissons au premier plan qui gâchent tout.
Reste
l’autre côté, versant de montagne un peu rouge et pointu, entouré de nuages
jaunes et les arbres (bonsaïs géants ?!) au milieu de l’espèce de savane
broussailleuse.
On
remballe le camp… Et les ennuis commencent. Un certain problème de MULOT qui
est rentré dans la petite tente (ou l’on avait rangé les sacs). Il a grignoté
les gâteaux, le lait en poudre, la soupe, … troué la poche à eau de trois
litres, mangé mon bol en silicone rouge, troué la bouteille d’eau d’un litre et
demi (dans un des sacs), faisant une flaque dans la tente ; donc :
sacs trempés, papier toilette inondé et transformé en papier mâché, et
combustibles de mon petit réchaud relativement inutilisables. On ne comprend
rien, on n’a pas vu la bouteille trouée … d’où sort la flaque ?!
Sur
ce, Cyril arrive avec un morceau de trépied en main. Intéressant … hum. Puis
une attache de son sac casse… décidément.
Départ
à 11h20. On est bien en forme, courant presque avec nos charges
impressionnantes… Sauf que deux heures plus tard on est à plat. On traverse des
étendues désertes, croise un troupeau de chevaux sauvages … et j’aperçois un
squelette aussi... curieusement, je n’ai pas peur et c’est juste avec
étonnement que je me demande quel animal est assez puissant pour dévorer un
cheval. Sandwichs et soupe au bord du lac Pehoe. Le réchaud est toujours très
expressif.
Ça devient très dur. Alexandre s’étale dans les buissons (et se foule le poignet),
on avance de plus en plus lentement, et en atteignant un refuge, déjà KO ;
on se rend compte qu’on a plus d’eau (comprenant enfin d’où venait la flaque).
La vue des montagnes nous donnent une sorte de force, de volonté de continuer.
Je suis un peu inquiète quant à notre état général : on traîne un peu et
en même temps pas assez pour prendre le temps de faire des photos et d’admirer.
C’est relativement nul.
On ralentit encore ; et entre dans une forêt étrange et effrayante d’arbres pétrifiés dé saturée (hantée) qui nous redonne un sursaut d’énergie. Il fait déjà sombre. On distingue un grand arbre en sortant de la forêt. De la marche, encore. Un pont. Encore un. Il fait nuit, on est arrivés. ARRIVES. (Félicitations). Campo Italiano, 18 km de marche.
On
allume le réchaud, en profitant pou faire fondre une espèce de
couvercle/support de casserole qui vient s’encastrer dans une racine. Pâtes à
la tomate concentrée. On s’écroule … début de la décadence. Début de la fin
pour les batteries aussi. Des étoiles apparaissent entre les branches d’arbres
… ça pourrait être bien… pour des photos … mais dans notre état, pas tant que ça,
en fait.
On
ferme BIEN les tentes. Dodo.
12 avril.
Je
me réveille trop tôt. 4h ? 5h ? J’ai la flemme, un peu mal partout
aussi, mais je m’attendais à pire. Vers 7h30 on commence à réagir, on va dans
le lit du torrent qui longe le camp. Un mont démoniaque et impressionnant nous
surplombe… mais le ciel est blanc et nul… les photos un peu aussi, donc.
Les nuages se teintent quelques instants... avant de retomber dans leur monotonie grise.
C’est
pareil, on traîne, on essaye, mais pas le temps d’approfondir ; on sait
qu’on est pressés. (11h de marche dans la journée ? Ca me semble assez
inimaginable.) Je tombe à plat ventre sur la passerelle en tordant un pied de
mon trépied qui est resté coincé entre deux planches solides. Le ciel est bas,
un peu menaçant. On dirait qu’il veut nous engloutir. Départ à 11h10 (en
progrès !)
Monter
au campamento Britannico ? C’est trop haut, trop loin dans le brouillard
curieux. Deux pointes qui émergent de nulle part font (encore) réapparaitre en
nous une sorte de force indicible (l’énergie retombe vite). On croise
étrangement un couple de français qui nous dit qu’on peut acheter des choses (à
manger) au refuge Cuernos un peu plus bas (après les ravages du mulot). Etape
de 2h … on en met trois.
Le
temps devient pluvieux, désagréable. On est à moitié mort et Cyril malade. Je
vois des cascades au dessus de nous, j’aimerai aller voir, je ne me rends pas
bien compte de l’immensité. Les arbres sont toujours étranges et
torturés ; avec de toutes petites feuilles de hêtre. D’ailleurs buissons
et arbres ont les mêmes feuilles (arbres = buissons géants ? ;
buissons = arbres nains. Hm). On longe un lac, et le paysage est
fondamentalement différent d’une rive à l’autre ; c’est tant rocheux que
moussu, buissonnant que désertique. Complexe.
On
arrive au refuge par une échelle alors qu’il y avait un joli chemin de l’autre côté... !
On s’affale. Je veux voir une cascade. C’est un peu comme si elles
m’appelaient, je veux être plus proche, voir. Attirance indescriptible.
Le
temps est tout poisseux, froid, la pluie inonde tout. En baskets sans semelle,
je remonte un cours d’eau. Il n’y a plus de chemin, mais des empruntes de pas
parfois ; qui me rassurent un peu. Je cours sur les cailloux, mets les
pieds dans l’eau. J’arrive à un passage un peu risqué, sorte de surplomb
terreux avec des rochers plus ou moins incrustés en suspend. J’essaye d’aller
vite (pas si simple … ça s’éboule de partout.) Je suis encore des empruntes qui
disparaissent dix mètres plus loin. Une branche à enjamber (escalader,
contourner … c’est une grosse branche). Il commence à y avoir de jolis
mouvements d’eau.
Le
passage par le lit du torrent devient abstrait. Je tente d’escalader une
matière rocheuse indéfinie, mais j’émerge dans un rebord buissonneux, les
prises trempées lâchent … et je décide d’essayer de revenir entière : demi
tour. Je passe par les grands buissons piquants. Une fois au dessus du cours
d’eau, c’est trop silencieux. J’ai l’impression que quelque chose me surveille,
m’épie. Mais l’attraction est plus forte. J’ai entraperçu un endroit ou la
rivière se délite en petits cours d’eau. Ca l’air beau, il faut aller voir… Il
pleut à verse, c’est tout glacé, je commence à avoir du mal à sécher
l’appareil. Je débouche de ma forêt de bonsaïs directement dans le torrent.
Traverse. Continue de l’autre côté (à quatre pattes dans la mousse …hum).
Ca
y est, il neige. Des flocons ÉNORMES (3 – 4cm au moins) Je commence à prendre
l’eau, la neige s’accroche sur mon filtre, je met la main devant, je fais
n’importe quoi, fini par trouver un mouchoir sec au fin fond d’une poche
interne et nettoie l’objectif qui se retrouve trempé 5 secondes plus tard. Je
répète l’opération (mais le mouchoir ne reste pas sec longtemps). La cascade
est superbe, dans cette ambiance neigeuse.
Il
faudrait rester là une heure, une journée, mais l’appareil est trempé et la
neige commence à tenir sur les cailloux. A contre cœur, je me décide à
redescendre. Ca vaut mieux. Je dévale en courant dans l’eau ; je sais par
ou passer, tout parait plus simple ; même la végétation agressive :
Buissons ; retour à la rivière ; rochers ; je mets le pied dans
l’eau … Plouf. Mince, c’est profond. Je tombe dedans, avec mon matériel, le
trépied, tout le barda. Avec l’eau glacée je ne sens plus rien. Je sors de
l’eau, l’appareil n’est pas plus mouillé qu’avant, ouf. Je continue la descente
moins vite. Les traces de pas. Le ruisseau. Je remets le pied dans un trou bien
camouflé… et me retrouve encore dans une position étrange au milieu des
rapides. Je me relève. Il neige toujours. Je sens comme des chocs électriques
tiraillements dans la cheville droite. Pas grand-chose en fait mais avec ce
liquide glacé, je ne sens presque plus rien nulle part.
Je
panique presque, avance dix fois plus lentement et assure tous mes pas. En
contournant quatre fois le même rocher pour trouver le chemin le plus sur, je
commence à me dire que ça ne va pas. Je trie un peu ce qu’il se passe dans ma
tête : j’ai peur de quoi ? de ne pas pouvoir continuer le trek + de
ne pas pouvoir descendre toute seule + de devoir laisser mon gros sac au refuge
= rien de grave, pas la peine de perdre ses moyens (bordel). Ma cheville parait
suspecte mais bon.
Je
débarque au refuge… il neige. Tous ceux qui passent par là rentrent dans la
maison… conséquence : un tumulte effervescent et désordonné. Je
dégouline, créant un type particulier de flaque autour de moi. Je trouve
Alexandre qui me laisse sa place à côté du poêle, j’essore mes chaussures, mes
cheveux, balance mes chaussettes sous la
source de chaleur. Il rentre mon sac. Douche chaude. Poêle. Habits secs. C’est
mieux. Les affaires trempées seront plus désagréables et plus lourdes mais tant
pis.
On
mange chaud, j’achète une brique ( !) de vin rouge ; qu’on vide à
2-3. Une place se libère … Cyril dormira au chaud. On discute avec un
autrichien et un français sympas. L’autrichien parle allemand avec Cyril,
espagnol avec le français et anglais avec Alexandre et moi … pas mal.
On
monte la tente à deux à la lueur d’une frontale. Il retombe une chose froide et
pénétrante qui s’assimile à de la pluie. … Bonne nuit.
13 avril.
Berk.
Tout est mouillé, condensation dans la tente et pluie dehors. Froid. J’ai un
peu mal à la cheville mais ça va.
On
se précipite dans le refuge… il fait froid aussi, plus de poêle … mince, mes
chaussettes sont encore trempées. Je range la tente sous la pluie. Cyril émerge
du troisième étage de lits de son dortoir. On se prépare un ‘’petit’’
déjeuner : saucisses et nouilles chinoises. Le réchaud est bien moins
expressif. Il boude.
La
tente trempée doit bien faire 5 kg au lieu de 3… hop, pour Alexandre ! On
achète plein de gâteaux et chocolat... et on part avant 11h, un miracle !
On est dans le brouillard, mais les nuages se lèvent un peu. Il a neigé bas.
On
arrive à une passerelle au dessus d’un très beau torrent. Je me retrouve le
genou gauche sur le pont, la jambe droite dans le vide… je n’ai eu le temps de
rien comprendre ! J’entends le morceau de bois, cassé, rebondir sur les
rochers. Une planche en moins pour le pont et quelques bleus et écorchures pour
moi. Hm. On traverse prudemment !
Des
marécages, des bonsaïs jaunes, rouges, verts, oranges. Les montagnes se
découvrent, de partout. C’est magique.
Alexandre n’a plus qu’une demi batterie, Cyril une … ils échangent. On atteint un croisement avec une curieuse petite chouette brune qui ne bronche pas. C’est drôle comme bestiole, le regard hautain, jaune, dominant-curieux-éberlué. Et la tête qui tourne à 360°. On hésite à faire un détour par l’hôtel, en bas, pour essayer de charger les batteries. Finalement non, il est tard … et l’hôtel est bien plus loin qu’il n’y paraît. Je prends la tente… ce qui me donne un sac d’au moins 25kg (alors que j’en pèse 45 … mmh). On mange encore des nouilles chinoises, et de la soupe. J’ai faim. Le réchaud fonctionne … mal. Sans les sacs, on commence à poser les trépieds et essayer … Cyril n’est pas en forme, Alexandre si.
Le paysage se dévoile dans toute sa splendeur. Pics effilés qui apparaissent entre les nuages ; masses titanesques couvertes de neige fraiche. Chaos de falaises enchevêtrées. Forêts rouges enneigées, cascades lointaines, jeux d’ombres et de lumières. C’est indescriptible.
Je suis très attirée par une sorte de colline au
fond, striée de rochers noirs qui ressortent dans la neige. Elle n’est pas au
bon endroit, cachée par un monticule sombre, et je ne peux pas bien la prendre
en photo. (Zut).
On
repart au milieu d’un champ de touffes épineuses joufflues. Je fatigue un peu
et Alexandre n’a de nouveau plus qu’une demi-batterie. C’est rapide ! Le
sentier grimpe bien. On dépasse un arbre dégradé du vert au rouge de bas en
haut. Je n’arrive pas vraiment à prendre de photos (je concentre mon énergie
dans mes jambes, c’est lourd), mais je me tourne tout de même dans tous les
sens. Le chemin passe maintenant dans une face d’éboulis et d’arbres
multicolores. La vallée des merveilles nous mène jusqu’au refuge Chileno. Je
marche avec Cyril et Alexandre court devant.
Le
refuge Chileno est … fermé. Barricadé de partout. Il fait déjà presque nuit et
on décide de poser la tente dans l’espèce de bois sombre à côté.
Il
fait froid… 0°C, -4°C, … le petit thermomètre se stabilise à -6. Cyril sort le
réchaud, fait toutes les maintenances possibles dessus… mais l’engin n’est pas
coopératif. Alexandre arrive (en courant, toujours) en nous disant que si on
veut se réchauffer, il y a une jolie cascade au dessus, à côté du réservoir à
eau. Le chemin est foireux et à 50°. On y va en courant comme des dératés. (On
est barge.)
Pas
de réchaud à essence pour ce soir … bon. Il reste mon petit truc, qui
fonctionne pas mal une fois qu’on a réussi à enflammer les pastilles humides
congelées. On mange comme des affamés : soupe, risotto, autre soupe,
spaghettis lyophilisés, autres pâtes lyophilisées… hm. On essaye de se
réchauffer je crois. Ce qui fait qu’on utilise environ les deux tiers de mon
combustible, une quarantaine de pastilles il me semble ! Ensuite on se réfugie
dans la tente, après avoir entassé les sacs devant le refuge, à l’abri.
Au
milieu de la nuit, j’entends Cyril se rendre compte que son matelas gonflable
est troué. Trop épuisée pour réagir. Une fermeture éclair s’ouvre. Je pense
qu’il jette un œil dehors. Je sombre.
14 avril.
5h30
du matin, le réveil est programmé cette fois. Cyril n’est plus dans la tente.
Disparu (Blair Witch ?). Bizarre. Alexandre pense qu’il est allé faire un
tour. Je me souviens vaguement qu’il était 3h37 quand il s’était réveillé… deux
heures tout seul dans la nuit ?
On
sort. Alexandre croit voir la frontale de Cyril. ‘’C’est lui là, non ?’’
Un signe de la main … Ah mince ; une lampe qui se dédouble. Ce sont des
yeux qui le fixent. Plongeon dans la tente… hm. La silhouette de chat puissance
trois passe doucement à une dizaine de mètres.
On
ressort, moi d’abord, avec le solide trépied d’Alexandre en main dans une
position légèrement ridicule. Plus rien ne bouge. On tourne un peu en rond… pas
de trace de Cyril non plus. A côtés des sacs, on trouve un cahier ouvert avec
un mot écrit au charbon : ‘’ e suis DEDANS refuge Merci de taper à
la fenêtre marqué > Cy’’. Cy ? Pas vu. On refait le tour du refuge,
dans le mauvais sens, en tapant à toutes les fenêtres. Ce qui est assez
effrayant avec l’agréable bruit métallique des fenêtres barricadées qui
résonne… très angoissant. Aux 9/10èmes du tour : ‘’ ***Cy*** ‘’. Ouf.
On frappe bien fort ; on tambourine ; et on entend remuer à
l’intérieur. Comment est-il rentré ?! Et, au bout d’un moment assez long,
on voit qu’il est là, géant entrain d’essayer de refermer une toute petite
fenêtre fendue rectangulaire. Il a vu les yeux aussi. J’imagine bien la scène,
plongeon la tête la première avec les jambes remuantes qui dépassent… ahem. Ca
me fait un peu rire tout de même.
On
est en retard, 6h10 déjà. On englouti 2 paquets de micro-donuts, j’en prends un
troisième dans la poche et on y va, direction Mirador Torres. Après quelques
centaines de mètres Cyril fait demi tour… il a oublié ses filtres. Plus de
géant rassurant dans la nuit pleine d’yeux. Et d’étoiles (impressionnant). On
avance, Alexandre a peur, on revoit des yeux, je vois bien la silhouette cette
fois aussi. Toujours à une dizaine de mètres. Le chemin monte, descend,
remonte… On n’arrivera jamais à descendre vite ! Cyril nous rattrape alors
qu’on traîne un peu pour l’attendre.
On
atteint le ‘campamento’ Torres ; une moraine instable ; des ruisseaux
gelés et transformés en patinoire dans les cailloux ; du givre étrange.
Cette fois c’est bien raide… J’ai du mal à y croire, mais on est à l’heure, en
fait !
Une
montagne dressée, verticale, qui dépasse au dessus des moraines maintient une
énergie grandissante, sorte d’excitation-exaltation-impatience abstraite.
Mirador Torres… C’est beau. Les tours dominent le lac avec leurs parois verticales,
roches délitées inhospitalières avec pourtant une teinte, une texture qui
m’attire un peu comme un aimant. (Peut être que je grimperai dessus, un
jour.. ?). Le lever de soleil est très beau, incroyable. La forme
évocatrice des ‘Torres’ suffit à donner cette ambiance dramatique et
majestueuse ; même si le ciel est uniformément bleu. Je fouine un peu au
bord du lac dans les rochers, avec Alexandre. On se prend en photo sur un bloc
dans l’eau. (Où est Cyril encore ?) Les tours se colorent en rouge vif,
écarlate (orange curieux sur mon appareil). Le soleil les brûle, elles
saignent. Ou rosissent de plaisir à être réchauffées, peut être.
Il
faut repartir, déjà. Toujours trop pressés. Cyril a perdu son filtre ‘cokin’.
On s’en va. Je commence à descendre en courant, c’est facile ‘sans’ sac
( !). Je m’en sors plutôt bien avec les ruisseaux glissants. Je traverse
les forêts pourpres de bonzaïs enneigés et givrés sans réussir à faire une
photo correctement. Puis une forêt amazonienne revisitée version automnale ; très
impressionnante. Magnifique. Je prends des photos en brandissant l’appareil en
courant n’importe comment. Les gens, curieux, se poussent pour laisser passer
cette folle.
Ah
tiens, des empreintes de chats géantes sur les ponts (étonnant !). Heureusement
que les pumas n’avaient pas faim ce matin. Ou alors on n’avait peut être l’air
pas comestible… la viande aurait été trop dure, on était trop tendus. J’arrive
au camp. En retard (et pourtant première). Je commence à ranger tout, je ne
m’en sors pas. Cyril arrive. Un genou et un polarisant explosés ; à part
ça ça va … mmh. Puis Alexandre. Mal au pied. Décidément.
On
fait les sacs, partage un paquet de fruits secs… Go. On expédie la descente à
l’hôtel en une heure environ. On est aussi à plat que nos batteries. Cyril et
moi unissons nos efforts pour former une phrase compréhensible en espagnol… Le
bus est à 14h, pas à 13. On est en AVANCE aha. Au moins, cela permet aux gens
de voir ‘’quelque chose de la montagne’’. Tout crasseux-poisseux-boueux avec nos
gros sacs multiples. C’est instructif, ça rajoute un plus à leur séjour 4
étoiles. On n’est pas du même monde (les extraterrestres existent).
On
a encore la force de marcher 50 mètres environ. Un champ. Du soleil. Des
buissons. Voilà. On s’étale dans l’herbe (et les crottes de moutons). On n’a
plus rien à manger… ah si, des Allbran. Avec du lait en poudre et … 300mL
d’eau, pour trois. On fini chacun soigneusement notre part.
Avec
mes baskets encore mouillées et un pull ‘propre’ je vais voir si on peut acheter
quelque chose. Mais la boutique est fermée jusqu’à 16h ; c’est très utile.
Je fais le tour de l’hôtel en courant, j’erre autour du spa ou l’on me renvoie
au restaurant. Bien classe. Bien vide. Bien cher. Hum. Je demande à aller aux
toilettes et peux enfin remplir une gourde. On cuit les coquillettes de secours
avec mon mini-réchaud, dans l’herbe bien sèche (…). Miam. Alexandre renverse le sel, Cyril dors au
soleil avec sa super doudoune.
Un
mini bus arrive, puis un vrai bus pour Puerto Natales. Passant devant un lac
bleu impressionnant on se rend déjà compte de ce qu’on a loupé. On traverse un pont ... étroit. VRAIMENT étroit. Il n'y a pas un centimètre de marge de chaque côté. J'ai même l'impression que le véhicule touche relativement les deux côtés. Mais ça passe.
Le bus s’arête au milieu de nulle part dans le désert. Alexandre y trouve des sandwichs …. Et l’autrichien du refuge Cuernos. Enfin arrivés, on constate que depuis la ville on voit les montagnes impressionnantes, et d’autres, partout, qui se reflètent dans l’eau derrière le ponton… on n’aurait pas deviné.
Le bus s’arête au milieu de nulle part dans le désert. Alexandre y trouve des sandwichs …. Et l’autrichien du refuge Cuernos. Enfin arrivés, on constate que depuis la ville on voit les montagnes impressionnantes, et d’autres, partout, qui se reflètent dans l’eau derrière le ponton… on n’aurait pas deviné.
On
renonce à chercher un bus pour rallier el Calafate le soir même en arrivant
dans une agence qui fait aussi auberge. Une douche chaude ; on charge des
batteries partout dans l’hôtel (ainsi que deux mini PC, nos portables, …) et on
prend nos billets de bus. Il fait froid, un vent glacé souffle et passe par
certains interstices. Direction supermarché, on fait ‘’quelques’’ courses pour
un petit déjeuné titanesque. On est vraiment dans un état étrange, mélange de
faim et de fatigue assez extrême.
En
allant manger à un resto, on trouve des filles qui étaient au Cuernos. On
trinque à l’aventure et à son contraire. Puis on sort … et on perd l’hôtel.
Cyril essaye de COMMUNIQUER. Je regarde faire, avec tous les passants; c’est assez marrant. On finit
par s’y retrouver, à force de déductions par rapport à tel restaurant classe,
telle église, telle direction et telle barrière orange inconnue.
J’envoie
un mail à edreams, la compagnie qui m’a servi à réserver mes vols… et avec
laquelle j’ai donc réussi à réserver un vol de retour avec 24h de décalage par
rapport à Alexandre et Cyril… ce que j’essaye de changer… . Au lit.
SECONDE PARTIE ICI